De l’économie de guerre à la guerre économique



Publié par La Rédaction le 14 Novembre 2022

Inaugurant le salon de l’armement Eurosatory en juin 2022, Emmanuel Macron annonçait l’entrée de la France en « économie de guerre », et battait le rappel pour assurer la pérennité du pays, de son peuple, et de son économie. Mobilisation générale donc, mais qui dit guerre dit ennemi, et il reste, pour pouvoir l'affronter avec succès, à identifier qui il est et en quoi il nous agresse. La publication de "Qui est l'ennemi ?", nouvel ouvrage dirigé par Christian Harbulot, directeur de l'École de guerre économique, tombe à point nommé pour contribuer à cet effort national.



Avec la guerre en Ukraine et sa surmédiatisation, le conflit de haute intensité a fait un retour fracassant sur la scène internationale, et particulièrement dans l’opinion publique européenne, qui pensait être immunisée contre une telle hypothèse la concernant directement. La guerre revient donc au centre des préoccupations des décideurs politiques et des populations, sous sa forme la plus violente et la plus tragique.


Au-delà des combats dans le Donbass, la guerre entre la Russie et l’Ukraine, voire l’OTAN, est aussi une guerre de l’information par l’affrontement des propagandes contraires, et une guerre économique par les sanctions qui ont été prises, les manœuvres qui cherchent à les contourner, et les effets boomerang massifs qui, notamment, menacent d’entrainer en Europe une récession inédite depuis des décennies. La guerre est donc multiforme, et ses conséquences planétaires en font d’ores et déjà une guerre à dimension mondiale. On peut d’ailleurs s’interroger sur le fait de savoir si elle a débuté en février dernier, ou si cette phase « chaude » n’est pas le nouvel épisode d’affrontements plus feutrés mais néanmoins bien réels, quasi permanents…


Et la France, quand bien même l’opinion publique ne s’intéresse que marginalement à ces enjeux, n’est nullement à l’abri d’une guerre économique de tous les jours, où l’enjeu pour les agresseurs est de s’assurer dans un certain nombre de domaines à portée stratégique, une supériorité aussi durable que possible, en réduisant les autres acteurs à la dépendance, forme Clausewitzienne du business as usual. La conjugaison de ces actions est susceptible d’entamer définitivement la souveraineté des pays visés dans un premier temps au plan économique et financier, puis, logiquement, au plan social et politique, interne comme externe. Dès lors identifier les ennemis économiques est une étape décisive pour identifier l’ennemi… tout court.


En Europe et en France, en première ligne de ce combat d’apparence feutrée, les entreprises et l’État français sont les cibles d’attaques en tout genre, tant sur le plan cyber que sur le plan économique ou financier. Alstom, BNP, l’APHP, Renault, les exemples pullulent dans tous les domaines. Certaines attaques sont également institutionnelles, et le droit français doit alors batailler contre le droit étranger, comme c’est le cas avec les GAFAM ou avec les États-Unis dans l’instrumentalisation offensive de l’extraterritorialité de leur droit.

Plus proche encore de la France, l’Union Européenne met en place des politiques environnementales visant notamment à modeler le domaine énergétique selon des normes très restrictives qui, outre une rationalité davantage dopée par le lobbying que par les fondements scientifiques, se révèlent finalement taillés à l’avantage d’un petit nombre de parties prenantes et de leurs intérêts, au détriment de l’intérêt général. Les politiques environnementales, financières, énergétiques, ou encore migratoires, ne sont plus conçues dans l’intérêt de tous. L’ont-elles d’ailleurs jamais été ?

Si la France entre en économie de guerre, certains de ses voisins ont déjà adopté depuis plusieurs décennies une posture de guerre économique, à l’instar de l’Allemagne qui n’a eu de cesse d’affaiblir la France sur la question de l’énergie.  Comme le soulignait déjà en mai 2021 Christian Harbulot, dans le travail de l’EGE intitulé « J’attaque !  », « un de nos principaux points faibles est de ne pas avoir su déjouer les stratégies allemandes d’encerclement cognitif au sein des institutions européennes ainsi que l’instrumentalisation d’une partie des acteurs de la société civile qui sont investis sur le débat de l’environnement ».

Ainsi, présente sur les 5 continents, la France se trouve aujourd’hui dans une posture délicate, que ce soit sur le plan géopolitique, économique ou sociétal, et se doit d’identifier ses alliés et ses ennemis, dans chacun des domaines d’activité où elle est menacée d’une quelconque façon : économie, géopolitique, social, financier, énergétique, etc. Une fois ce tri salutaire effectué, un État véritablement stratège se devrait de concevoir et appliquer une stratégie de puissance globale.

C’est toute cette thématique très riche que parcourent, au travers d’exemples historiques et actuels, et de paroles d’expert, Christian Harbulot, Lucie Laurent et Nicolas Moinet, dans « Qui est l’ennemi  », leur dernier essai que vient de publier le CR451, le centre de recherche de l’École de Guerre Économique, dernier né d’un écosystème intellectuel et professionnel français qui essaie avec persévérance et brio, depuis plus de 20 ans, d’éveiller les consciences politiques et économiques aux enjeux des guerres globales.

 


Dans la même rubrique :