Dark : la défaillance d’un maillon stratégique du New Space de défense français



Publié par Adélaïde Motte le 13 Octobre 2025

La start-up Dark, qui ambitionnait d’apporter à la France une capacité d’interception orbitale souveraine, vient de fermer ses portes. Une disparition symptomatique des fragilités de l’écosystème militaro-industriel français, trop lent à transformer ses innovations spatiales en outils opérationnels concrets.



Une ambition technologique au service de la souveraineté spatiale

Fondée en 2021 par Guillaume Orvain et Clyde Laheyne, tous deux issus de MBDA, Dark voulait révolutionner la défense spatiale française. Sa mission : assurer la protection des satellites et des infrastructures critiques contre les débris, les collisions et les menaces intentionnelles. Son concept d’Interceptor, un véhicule orbital compact capable d’intercepter ou de repousser des objets hostiles, devait constituer la première réponse française à la militarisation croissante de l’espace.

Techniquement, Interceptor combinait propulsion hybride, navigation autonome et capteurs multi-spectraux pour opérer des manœuvres fines en orbite basse (LEO). L’appareil devait être déployé depuis un avion porteur, permettant un lancement flexible et rapide, sans dépendre des filières de mise en orbite traditionnelles. Ce modèle inspiré du Responsive Launch américain visait à offrir à la France une capacité de réaction tactique en cas de manœuvre suspecte sur ses satellites.

En 2024, Dark fut sélectionnée par l’Agence de l’innovation de défense (AID) pour le programme Salazar, dédié aux scénarios d’interception orbitale. Parallèlement, la start-up collaborait avec le CNES sur la gestion du trafic spatial et les techniques de “capture douce” d’objets. Forte de 11 millions de dollars levés, dont 6 millions d’euros en extension, elle avait établi un centre d’essais à Bordeaux-Mérignac pour développer ses prototypes. L’entreprise incarnait ainsi la convergence du civil et du militaire, un pilier du futur écosystème spatial de défense.

Un échec révélateur des limites françaises en matière d’innovation de défense

Malgré un potentiel technologique reconnu, Dark n’a pas survécu à la fragilité du modèle économique français dans le secteur spatial. Le 8 octobre 2025, elle a annoncé sa fermeture, expliquant que « continuer sans ancrage aurait signifié transformer Dark en un modèle fragile dépendant d’un seul client ». Autrement dit, sans commandes publiques pluriannuelles ni intégration dans la stratégie d’acquisition du ministère des Armées, le projet était condamné. Les acteurs du secteur soulignent que, contrairement aux États-Unis, la France peine à transformer ses start-up en fournisseurs opérationnels de la défense, faute d’un cadre industriel et financier stable.

Cet échec illustre “le manque cruel de moyens et de doctrine” dans le spatial militaire national. Dark représentait pourtant une avancée vers une capacité d’interception non destructive, conforme au droit spatial international. Son Interceptor aurait pu offrir à la France un outil de dissuasion active en orbite, sans recourir à la destruction cinétique. En perdant cette expertise, Paris abandonne un maillon essentiel de la chaîne de souveraineté spatiale. L’échec de Dark agit dès lors comme un signal d’alarme : sans mécanisme industriel clair ni soutien durable, les initiatives duales risquent de s’éteindre avant même d’avoir atteint leur orbite.

Tags : espace spatial
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