Comment l'Europe se cherche 600.000 travailleurs de la Défense

Le secteur européen de la Défense entre dans une période où les besoins explosent. Plusieurs États membres réarment et augmentent leurs commandes. Pourtant, les entreprises peinent à suivre. Les chaînes de production s’étirent, les délais s’allongent et les innovations se heurtent à un manque de personnel qualifié.

Cette tension s’explique par un double phénomène. D’un côté, des décennies de sous-investissement ont réduit l’attractivité des métiers techniques liés à la Défense. De l’autre, la montée en puissance de technologies telles que l’intelligence artificielle, le spatial ou le quantique exige des compétences nouvelles, rares et très disputées par d’autres secteurs. Résultat : la Défense affronte une concurrence directe avec l’aéronautique, l'automobile, l’énergie ou encore le numérique.

Le marché de l’emploi commence certes à se redresser, mais trop lentement. Le nombre d’emplois liés à la Défense progresse depuis 2022. Cependant, cette dynamique reste insuffisante pour absorber l’augmentation rapide des besoins industriels et opérationnels. L’Europe doit donc agir vite pour éviter que ce manque de main-d’œuvre n’entrave sa capacité à produire, moderniser et innover.

Pour répondre à l’urgence, la Commission européenne a adopté une stratégie de transformation des compétences dans la Défense. Parmi les mesures les plus emblématiques figure un programme visant à reconvertir 600.000 travailleurs d’ici 2030. L’objectif est clair : créer un vivier de professionnels capables de soutenir l’industrie européenne sur l’ensemble de la chaîne, de l’ingénierie à la production en passant par la cybersécurité.

Ce plan mise sur des profils variés. Il cible notamment les salariés des secteurs en mutation, comme l’automobile et ses sous-traitants, où des milliers d’emplois se transforment sous l’effet de l’électrification. L’idée est d’accompagner ces travailleurs, via des dispositifs de formation ciblés, vers des métiers identifiés comme stratégiques pour la Défense.

Au-delà de la reconversion, une montée en compétence de la main-d’œuvre déjà en poste est également prévue. Chaque année, une part importante des effectifs de la Défense et de l’aérospatiale devra suivre des parcours de perfectionnement pour intégrer les nouvelles technologies à leur travail quotidien.

Pour soutenir cet effort, l’Union européenne déploie une série d’initiatives destinées à faciliter l’entrée dans les métiers de la Défense. L’un des axes majeurs consiste à créer une plateforme européenne des talents, destinée à connecter étudiants, jeunes professionnels et entreprises du secteur. Ce dispositif repose sur un système de stages subventionnés, permettant aux organisations de proposer des immersions de qualité tout en attirant de nouveaux profils.

L’objectif est de faire découvrir de l’intérieur un domaine souvent perçu comme fermé ou difficile d’accès. En multipliant ces premières expériences, l’UE espère nourrir un intérêt durable et révéler des vocations. Cette plateforme vise également à améliorer la visibilité des opportunités de carrière, un point souvent cité comme un frein au recrutement.

L’Union européenne prévoit aussi d’appuyer son effort sur ses structures d’apprentissage en ligne. Plusieurs académies existantes spécialisées dans le numérique ou l’espace contribuent déjà à diffuser une culture technologique essentielle à la Défense de demain.

À moyen terme, l'UE souhaite aller plus loin avec la création d’une Académie européenne des compétences de l’industrie de la Défense. Prévue pour la prochaine période budgétaire, cette institution dédiée aura pour mission de coordonner les formations, anticiper les nouveaux besoins, et harmoniser les standards de qualification à l’échelle du continent.

Elle permettra également de structurer les parcours professionnels, afin de rendre les métiers de la Défense plus lisibles et plus accessibles, notamment pour les talents issus d’autres secteurs.