Brandt, un pilier industriel français au bord du gouffre
Placée en redressement judiciaire et bientôt incapable de payer les salaires, l’entreprise centenaire Brandt vacille. Le groupe, propriété du conglomérat algérien Cevital depuis 2014, emploie près de 750 personnes réparties entre ses deux usines de Centre-Val-de-Loire, son centre SAV en région parisienne et son siège à Rueil-Malmaison. Sa production est quasiment à l’arrêt, malgré un chiffre d’affaires de 260 millions d’euros.
Ces deux sites industriels d’Orléans et de Vendôme ne sont pas des usines anodines : ils représentent l’un des derniers bastions français de fabrication d’appareils électroménagers « cuisson », un savoir-faire stratégique dans un secteur massivement délocalisé depuis vingt ans.
L’État a annoncé être prêt à engager 5 millions d’euros pour soutenir un projet de reprise en Scop, susceptible de sauver 300 emplois. Mais derrière les chiffres se joue une question bien plus large : laissera-t-on filer encore un acteur industriel français vers la disparition, comme tant d’autres avant lui ?
La Scop, dernier rempart pour éviter la perte d’un outil industriel stratégique
Le projet de Scop, soutenu par le groupe Revive, est à ce jour la seule option capable de maintenir les deux usines françaises. Les autres candidats à la reprise ne prévoient pas de conserver ces sites industriels — ce qui signifierait une perte nette de capacité de production en France.
Pour les salariés, l’enjeu dépasse leur poste :
« On est au bord du gouffre, c’est la seule issue pour sauver des emplois », résume Cyril Aubert, représentant CFTC.
Selon lui, il faudrait près de 20 millions d’euros pour relancer l’activité. Et le calendrier est brutal : Brandt ne pourra plus payer ses équipes après le 15 décembre. L’audience devant le tribunal des activités économiques de Nanterre sera décisive.
Dans un marché du gros électroménager en recul de 3,9 %, pénalisé par la crise immobilière, maintenir une production nationale est de plus en plus complexe. D’où l’importance de ce dossier pour la souveraineté française : sans usines, il n’y a plus de relocalisation possible, plus de montée en gamme, plus de contrôle sur les chaînes d’approvisionnement.
Brandt, symbole d’un choix : défendre ou laisser disparaître l’industrie française
Le risque est clair : si la Scop échoue, la France pourrait perdre un acteur majeur de son électroménager et deux usines stratégiques dans le Centre-Val-de-Loire. Ce serait un recul supplémentaire dans un secteur déjà fragilisé, où la dépendance aux importations s’est accrue au fil des années.
La situation met en lumière une problématique centrale :
la souveraineté industrielle n’est pas un concept théorique, mais une réalité qui se joue au cas par cas, site par site, emploi par emploi.
Soutenir Brandt, ce n’est pas seulement préserver 300 postes.
C’est défendre une présence industrielle française dans un domaine clé, maintenir des compétences, et préserver une capacité de production que le pays ne retrouvera pas si elle disparaît.
À l’heure où la réindustrialisation est devenue une priorité nationale, l’avenir de Brandt apparaît comme un test concret : sommes-nous réellement prêts à protéger les dernières usines françaises quand elles vacillent ?