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Règne du « low cost » et crise des transporteurs traditionnels




le 10 Novembre 2015

Cela fait maintenant trente ans que le paysage aérien est rythmé par la véritable « Success Story » du modèle low cost. Une incursions des compagnies à bas prix en Europe qui déstabilise profondément les transporteurs traditionnels, souffrant de cette concurrence de plus en plus rude… Faut-il y voir l’émergence d’un système révolutionnaire ou une incapacité à s'adapter de la part des compagnies nationales aux évolutions de leur environnement ? Retour sur les leviers de croissance de ce modèle économique inédit.



Un nouvel environnement concurrentiel

Longtemps chasse gardée des grandes compagnies nationales, le marché aérien international a connu de profondes mutations dues à l’essor de compagnies à bas coûts. Mettant la pression sur les prix avec des offres agressives, ces compagnies se sont notamment imposées sur le marché des vols intérieurs, suite à la fin, en 1997, du monopole des compagnies historiques sur ces liaisons.

Percevant à l'origine la clientèle de ces compagnies low cost comme des consommateurs au faible pouvoir d’achat, les grands du secteur ont rapidement du changer leur fusil d’épaule.  Car les compagnies low cost n’ont pas tardé à marcher sur leurs plates bandes à l’image d’Easy Jet qui, via sa stratégie « middle cost » s’est progressivement positionné sur les grands aéroports, captant de ce fait la clientèle jusqu’alors fidèle à des grandes compagnies historiques comme Air France. (1) Ne pouvant rivaliser en termes d’abaissement des coûts, ces compagnies « historiques » ont développé leur propre ligne low cost : Transavia pour Air France-KLM ou encore Germanwings pour la Lufthansa. Mais ces compagnies ne peuvent plus se voiler la face. Car la réalité est qu’aujourd’hui, des compagnies comme Ryanair ou EasyJet ont une croissance deux fois plus rapide que celle des transporteurs traditionnels…

Cette implantation du low cost dans le paysage concurrentiel témoigne du succès d’un modèle qui s’adapte constamment à l’évolution de son environnement. Mais, bien qu’en ascension continue, ces compagnies ne se reposent pas sur leurs lauriers ce qui aura peut-être, finalement, été la faiblesse des grandes compagnies nationales…

La recette miracle : chaque minute compte
 
Au cœur de la rentabilité du modèle low cost on trouve cette constante recherche de l’abaissement des coûts. Partant du constat que ces avions « rapportent quand ils volent, pas quand ils sont au sol » (2), ces compagnies font de la réduction du temps passé sur le tarmac une priorité absolue. On assiste ainsi à une impressionnante réduction du temps de stationnement des avions entre deux vols. Selon Pete Tysoe, il y a de cela trente ans, un avion restait en moyenne quarante cinq minutes minimum en aéroport avant de décoller de nouveau. « Désormais, chez easyJet, on tourne à vingt-huit ou vingt-neuf minutes. Dans un petit aéroport, on peut descendre à vingt-cinq minutes, parfois moins. » (2) Nombreux sont ceux qui considèrent ce gain de temps comme la clé de voûte de ce modèle qui continue à faire ses preuves.

Cette véritable « chasse aux coûts » passe ainsi par un travail de détail. Allant des applications mobile indiquant la localisation et le temps de marche jusqu’aux portes d’embarquement à la politique de ravitaillement à bord, rien n’est laissé au hasard. Par exemple, les denrées alimentaires et rafraîchissements proposés lors des vols sont stockées le matin même, et ce pour toute la journée ce qui évite la « perte  de temps » d’un réapprovisionnement à chaque atterrissage. Tout est chronométré. « Deux escaliers – un à l’avant, l’autre à l’arrière – sont installés pour faire sortir les passagers le plus vite possible. Exactement cinq minutes après l’ouverture de la porte, le camion de carburant doit déjà être sur place pour faire le plein. Les équipes de nettoyage ont, de leur côté, douze minutes pour faire leur travail. » (2) Une organisation à la minute près qui permet à ce modèle de se faire une place dorée sur le marché des courts courriers.

Un mode de fonctionnement qui nécessite un constant travail de prévention, essentiellement sur le plan de la maintenance. Car, cette course effrénée contre la montre comporte aussi ses risques. Le premier est celui de l’ « effet domino » puisque les conséquences d’un dysfonctionnement sur un appareil impacteront automatiquement les vols à suivre. Afin de prévenir ces aléas, les compagnies low cost continuent à prendre une longueur d’avance. C’est consciente de la perte de temps précieuse que causerait une intervention technique en cas de problème matériel que la compagnie a mis en place des parades. Chez Easy Jet notamment, des « capteurs situés dans chaque pièce de l’avion indiquent le niveau d’usure. » (2) Ceci permet ainsi d’anticiper au mieux les éventuels risques de panne et de préparer la maintenance.

Une politique du gain de temps doublée d’un effort de prévention des plus strict, inhérente au transport aérien, tels sont les ingrédients de la recette à succès de ce modèle économique. Ainsi, comment les compagnies classiques peuvent-elles s’adapter face à cette montée en puissance?

Réelle menace pour les compagnies classiques ?

Ryanair et EasyJet sont en piste pour le titre de la compagnie la plus rentable d’Europe. Ces compagnies font ainsi la leçon aux plus grands. Dès lors, que prédire pour l’avenir des compagnies « historiques » ? Concurrencée par les compagnies du Golfe, Air France- KLM voit par exemple ses avions se vider au profit des petites compagnies à bas prix. La compagnie nationale a ainsi déclaré ne pouvoir être sûre de maintenir ses lignes déficitaires… L’essor du low cost et la souffrance des compagnies nationales révèle ce qu’on peut voir comme une véritable crise du secteur traditionnel. Une crise qui découlerait selon J.L Baroux, Président d'APG (un réseau de services commerciaux aux compagnies) de l’« impéritie »  des grandes compagnies qui les rendrait « incapables de servir convenablement ses clients et d’engranger des bénéfices ». (3)

Seuls les longs courriers continuent de faire la force des compagnies nationales. Ainsi les compagnies low cost sont pour l’instant dans « l'impossibilité de dégager un écart de compétitivité suffisant, du fait de l'extrême productivité des appareils long-courriers, qui volent déjà plus de douze heures par jour. » Un peu de répit donc, « mais pour combien de temps encore ? » (1) Car le modèle low cost semble avoir encore de beaux jours devant lui. Et compte tenu des profits dégagés, rien ne les empêche de venir en core un peu plus acculer les compagnies historiques sonnées dans les cordes.
 
  1. http://www.lesechos.fr/industrie-services/dossiers/0204094246548/0204094246548-aerien-25-ans-de-low-cost-en-europe-1122563.php
  2. http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/11/07/easyjet-20-ans-de-course-contre-la-montre_4805073_3234.html
  3. http://www.constructif.fr/bibliotheque/2011-2/dans-l-aerien-la-reussite-d-un-modele.html?item_id=3082



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