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PERNOD CONTRE BACARDI : Qui gagnera la guerre du rhum ?




Publié par Lise Plisson-Sauné le 22 Juillet 2022

De guerre commerciale à débat juridique et bataille d’influence, le conflit entre le français Pernod-Ricard et le cubain Bacardi fait rage depuis 1993. Au cœur de la controverse : le fameux rhum Havana Club. Si tout part de Cuba, le contentieux prend une dimension mondiale lorsque les États-Unis et l’Union européenne s’en mêlent. Retour sur cette guerre où tous les moyens sont bons pour gagner…



Un contentieux historique

L’affaire, dite « Guerre du Rhum » commence en 1993 à Cuba. Le groupe français Pernod-Ricard crée avec les Cubains l’entreprise Havana Club International. Même si en raison de l’embargo américain sur les produits cubains le rhum Havana Club n’est pas commercialisé aux États-Unis, les Américains reconnaissent le droit de propriété sur la marque.
 
Et pourtant en 1996, Pernod-Ricard découvre que l’entreprise familiale cubaine Bacardi a lancé son propre rhum sous le fameux nom Havana Club, revendiquant la marque. En effet, jusqu’à sa confiscation par Fidel Castro en 1959, le Havana Club était distillé par la famille Arechabala. Or, Bacardi assure avoir acquis les droits de cette famille en 1934.
 
Mais pire encore pour Pernod-Ricard, un an plus tard, en 1998, est votée la loi 211 par le Congrès américain. Bacardi a utilisé son puissant réseau pour faire voter ce qu’on appelle désormais la « Bacardi Bill ». L’enregistrement de la marque Havana Club est désormais interdit aux États-Unis. Pernod Ricard perd donc tous ses droits sur la marque sur le territoire américain, alors que Bacardi continue d’y vendre son rhum.
 

Tous les moyens sont bons pour récupérer Havana Club

Une enquête sur la propriété intellectuelle est alors lancée. Malgré tout, Bacardi n’a rien commis d’illégal. Le groupe a « simplement » fait pression en activant ses services de lobby aux États-Unis. Mais Pernod refuse de s’arrêter là. La marque française décide de saisir la justice américaine en invoquant la non-rétroactivité de la loi, c’est à dire le fait qu’une nouvelle loi ne doit pas modifier un état antérieur. Or, ce principe ne s’applique en général qu’en justice pénale, et donc pas dans le domaine commercial. Ainsi, en mars 2011, la cours d’appel de Washington donne tort à Pernod-Ricard.
 
Pourtant la bataille continue. Engagé depuis près de dix ans dans un bras de fer avec Bacardi, le français Pernod-Ricard a mis en place une véritable cellule de lobbying à Washington. Mais ce n’est pas tout. Au départ simple guerre commerciale, la rivalité entre Bacardi et Pernod vire à un conflit juridique. Plus qu’une question économique, il s’agit là d’enjeux d’influence pour les deux groupes. C’est pourquoi les deux parties emplois les « méthodes fortes ». Ayant chacun leurs contacts d’influence à Washington, elles font pression pour obtenir ce qu’elles veulent. Après l’arrivée du régime castriste à Cuba, la puissante famille Bacardi s’est exilée à Miami où elle a créé un fort réseau, qu’elle mobilise selon ses besoins, notamment contre Pernod-Ricard. Ainsi, la Guerre du Rhum est marquée par un fort travail de lobbying. Or, c’est le cas aux États-Unis, mais aussi bien dans le monde entier, et notamment en Europe. Pernod-Ricard, groupe français, fait appel à l’aide de l’Union européenne, en activant son carnet d’adresses à la Commission.
 

La guerre n’en finit jamais

En 2002, l’Union européenne porte plainte. Pour la Commission de Bruxelles, la loi 211 représente une entorse au droit international, répondant à des motivations politiques et présentant un caractère extraterritorial inacceptable. Suite à cela, la loi, et donc les États-Unis, sont condamnés par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). L’OMC a en effet déclaré cette loi non conforme aux accords TRIPS, traités internationaux relatifs à la propriété intellectuelle. Cependant, les Américains refusent toujours de d’accepter cette décision…
 

En 2016, force de lobbying et d’influence, les États-Unis accordent à Pernod-Ricard le droit de vendre son rhum Havana Club sur leur territoire. De plus, le bureau des marques et brevets américain (USPTO) accorde l’autorisation au groupe de détenir la marque. Mieux encore, la même année, le dépôt de Havana est renouvelé jusqu’en 2026. Ces décisions sont bien sûr contestées par Bacardi, alors deuxième leader mondial sur le marché du rhum. À terme, c’est le tribunal américain de la Cour suprême qui décidera de la légitimité du propriétaire de la marque. Alors, qui gagnera la guerre du rhum ?



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