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Lasers à usage militaire : où en sont les développements ?




Publié par Pierre-Marie Meunier le 13 Novembre 2015

Depuis sa découverte dans les années 1960, le laser fascine au moins autant les militaires que les écrivains de science-fiction.



Boeing 747 ABL
Boeing 747 ABL
D’un point de vue strictement militaire, le laser appartient à la catégorie des armes à énergie dirigée, au même titre que toutes armes utilisant une partie du spectre électromagnétique, comme les armes à micro-ondes (Active Denial System), les armes à IEM (E-bomb et CHAMP) ou encore les rail-gun (considérés comme une catégorie transverse entre armes à énergie dirigée et armes à énergie cinétique). Qu’il s’agisse du Boeing 747 ABL, du C-130 ATL ou de la défense rapprochée des navires de guerre, armées de l’air et marines (surtout américaines) font la part belle aux développements de systèmes laser embarqués. Et contrairement à ce que l’on imagine au premier abord, il est bien question de lasers destinés à la destruction d’objectifs : embarcations de petites tailles, missiles assaillants ou missiles balistiques. Les porte-avions de la classe Gérald Ford sont conçus pour accueillir à terme des armes lasers de défense rapprochée, et le C-130 ATL a déjà réalisé des tirs de destruction sur de véhicules en mouvement. Le char laser est-il la prochaine étape ? Où en sont les forces terrestres dans ce mouvement ?

Les armées de terre utilisent depuis longtemps déjà la télémétrie laser pour l’estimation des distances. Basée sur le principe du LiDAR (Light Detection & Ranging), et associée aux moyens GPS, elle permet de plus la désignation d’objectif via des instruments comme le DHY 307 de CILAS, en vue de frappes aériennes avec des munitions à guidage laser. Depuis les guerres balkaniques dans les années 1990, et avec la nécessité de trouver un moyen de localiser les snipers, sont apparus dans les inventaires des armées les Détecteurs d’Optique Pointé, ou DOP. Utilisant l’effet « œil de chat » des optiques de visée, ces systèmes permettent la localisation dans l’environnement de toute optique d’une taille suffisante. Une optique de char est ainsi visible à plusieurs kilomètres. Parmi les produits utilisant cette technologie, on notera le SLD Scout de CILAS également. La catégorie des lasers offensifs débute avec ceux destinées en premier lieu à la neutralisation des optiques ainsi détectées. Le système laser embarqué sur le char chinois type-99 ou ZTZ-99 est fondé sur ce principe : le tourelleau JD-3 inclut, parallèlement au DOP, un laser de moyenne puissance destiné à « voiler » les optiques détectées, par chauffage des surfaces réfléchissantes.
 
Dans les années 1990, la France a développé un système équivalent avec la tourelle LATEX (Laser Associé à une Tourelle Expérimentale), restée au stade de démonstrateur technologique. Les systèmes laser de faible puissance trouvent déjà des applications dans le domaine des armes non létales : le Dazzler, destiné à éblouir et désorienter une foule, aurait déjà été utilisé sur des check-points en Irak ; de même le Projectile à Energie Pulsée (Pulsed Energy Projectile ou PEP) est destiné à refouler des personnels aux abords des points sensibles, par échauffement de la peau.
 
Les systèmes offensifs les plus proches aujourd’hui du stade opérationnel sont les systèmes conçus pour la neutralisation des IEDs et pour la destruction d’objectifs faiblement blindés en vol (drones ou missiles). Dans le premier cas il s’agit du système américain HLONS Zeus, qui aurait été déployé en Afghanistan, et dans le deuxième, du système Avenger (également américain), monté sur Humvee, et dont un pod de missiles Stingers a été remplacé par un laser. La défense anti-missile et anti-aérienne est actuellement la principale voie choisie pour une utilisation terrestre des lasers, qu’il s’agisse du MTHEL israélo-américain ou du Skyshield laser de Rheinmetall. Mais dans tous les cas évoqués précédemment, à l’exception du MTHEL, les puissances restent faibles (quelques dizaines de kW) comparées à celle requises pour neutraliser, par exemple, un véhicule blindé (plusieurs centaines de kW à plusieurs MW). Plus récemment, l’US Navy a dévoilé des images de son essai du Laser Weapon System (LaWS) dans le Golfe Persique. Un événement historique qui fait définitivement basculer le canon laser de la science-fiction à la réalité. « Déployé pour la première fois sur un navire en opération [l'USS Ponce, NDLR] » cette nouvelle arme « s’est parfaitement intégrée dans le système de défense ».
 
Il existe des dizaines de lasers différents, selon la source utilisée pour obtenir un rayonnement lumineux (visible ou invisible). Mais les lasers de grande puissance, utilisables militairement, ne sont pas très nombreux. Parmi l’ensemble des lasers existants, quatre ont été pour l’instant été retenus pour un usage militaire. Il s’agit de trois lasers dits « chimiques », où le rayonnement est obtenu via une réaction chimique : le laser au fluorure d'hydrogène (FH), le laser au fluorure de deutérium (DH) et le laser chimique à l'iodure d'oxygène (COIL), et un laser dit « à gaz dynamique ». D’autres lasers, dits « solides » et utilisant des cristaux et des céramiques, sont en train de trouver également des usages militaires. Ils développent des puissances inférieures mais ils sont d’un encombrement nettement moindre.
 

Tactical High Energy Laser
Tactical High Energy Laser
Si nous considérons l’exemple, pour l’instant imaginaire, d’un char de combat équipé d’un canon laser en tant qu’armement principal (pour autant que nous puissions développer un système susceptible d’être embarqué sur un véhicule terrestre), le choix du laser présenterait bien des avantages :
  • pas ou peu d’usure des composants mécaniques (un canon actuel de char est limité à quelques milliers de coups à pleine charge) ;
  • disparition des complexes et coûteux systèmes de visée et calculateurs (ils comptent pour un quart à un tiers du prix d’un char) par simplification extrême de la balistique du tir : on touche ce qu'on vise ;
  • faible coût unitaire du tir (un obus de char coûte en revanche plusieurs milliers d’euros) ;
  • très grande précision qui limite les dégâts collatéraux ;
  • « puissance » modulable, permettant de traiter tout type de cibles, en basculant d’un mode létal à un mode non létal par exemple.
 
Sauf que ce n’est pas si simple. Bien que le Pentagone finance déjà le développement d’un char laser, leur présence sur le champ de bataille n’est pas pour tout de suite. Pour comprendre la spécificité d’un usage « ground to ground » d’armes laser offensives, il convient de résoudre en premier lieu les contraintes pratiques de cet armement très particulier, et en premier lieu les contraintes d’environnement.
  • Militarisation et durcissement : la première difficulté de développement concerne la militarisation de ce qui reste pour l’instant des outils de laboratoires, peu conçus pour l’humidité, la poussière et les chocs d’une zone d’opération. Cette militarisation inclut nécessairement le durcissement de composants nombreux et fragiles ; il ne s’agirait pas que l’armement principal d’un véhicule soit neutralisé au premier impact.
  • Facilité d’utilisation : le service de l’arme devra être extrêmement simple, pour un usage fiable et sécurisé par n’importe quel soldat ; cela exclut presque de fait les lasers chimiques dont les produits de réaction sont toxiques et corrosifs.
  • Encombrement et compacité : l’emport sur un véhicule terrestre imposera de rendre nettement plus compact ces systèmes, dont la taille varie pour l’instant d’un frigo pour un laser de faible puissance, à la soute d’un Boeing 747 pour le plus puissant.
 
Viennent ensuite les contraintes techniques liée au laser lui-même et à l’ensemble des pré-requis pour un fonctionnement optimal.
  • Puissance : déjà évoqué auparavant, elle est exprimée en kW ; elle se distingue de l’énergie délivrée sur la cible, qui, elle, s’exprime en joules, et dépend donc de la durée de l’impulsion laser (de quelques fractions de secondes à plusieurs heures) pour une puissance donnée ; les puissances des lasers militaires oscillent pour l’instant entre 10 kW et 1 MW, et il faut une puissance de 150 kW pendant environ 30 secondes pour neutraliser une voiture, d’après les tests effectués par le C-130 ATL. La puissance du Laser Weapon System (LaWS) testé récemment s’élève à 30 kW.
  • Rendement : les armes laser ont pour l’instant des rendements très différenciés selon la technique de génération de faisceau utilisée (entre 10 et 30% pour les meilleurs) ; même avec un rendement de 30%, cela signifie qu’il faut fournir au laser 3 fois plus d’énergie qu’il ne sera jamais capable d’en délivrer ; pour l’instant, seuls les porte-avions, qui disposent de réacteurs nucléaires, peuvent envisager disposer de la puissance nécessaire en amont.
  • Divergence : le faisceau laser diverge, et donc perd en puissance, lors de sa propagation dans l’atmosphère ce qui implique des dispositifs de correction complexe pour un usage à longue distance (de l’ordre de la dizaine de kilomètres) ; un char laser n’aurait pas ce problème de distance, mais il sera lui confronté aux poussières et aux obstacles terrestres.
 
Malgré cette litanie des difficultés que rencontreront les industriels pour développer une telle arme, il ne fait pas de doutes qu’elle verra prochainement le jour, tant les programmes de développements sont nombreux et les progrès rapides. Les Etats-Unis risquent très probablement de montrer la voie dans ce domaine, et de prendre par conséquent un avantage industriel et militaire décisif dans les années à venir. Ainsi, « l'arme laser est en développement dans la marine américaine depuis plusieurs années, et les avancées technologiques sont prometteuses pour les militaires. » (1) Puissantes et peu coûteuses, les armes lasers font naître le consensus sur leur capacité à jouer « un rôle stratégique dans les opérations navales futures ». (1)
 



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