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Les défis technologiques pour les transports électriques autonomes




Publié par Romain Lambert le 10 Juin 2014

La RATP a fait le premier pas en mars 2014 : le parc complet des bus de la régie parisienne sera 100 % électriques d’ici une grosse décennie. En chemin, il faudra tout de même passer outre quelques petites difficultés : le bus électrique idéal n’existe pas encore. Rien d’insurmontable pour les constructeurs français, surtout avec la perspective du décollage de la filière de l’électromobilité en France.



Hybride entre un tramway, un bus électrique et un trolleybus, le TVR de Bombardier est représentatif de la diversité des solutions techniques possibles (licence Creative Commons)
Hybride entre un tramway, un bus électrique et un trolleybus, le TVR de Bombardier est représentatif de la diversité des solutions techniques possibles (licence Creative Commons)
Paris, laboratoire géant
 
« La moitié de la valeur d’un bus électrique est représentée par les batteries » explique Christophe Gurtner, PDG de Forsee Power. Il ne faudra donc pas commettre d’impairs, lorsque seront arrêtés les choix technologiques qui devraient décider de l’avenir de la motorisation électrique en France pour les décennies à venir. Le spécialiste francilien de l’intégration de système de batteries le confirme : « la RATP va s’imposer comme le plus grand laboratoire européen pour ces technologies. […]. L’annonce du Président de la RATP représente d’une part un marché important mais aussi l’occasion d’une expérimentation à grande échelle. Ce marché aura un triple effet auprès de l’intégralité de la filière industrielle, des fabricants de bus aux fabricants de batteries : les coûts devraient baisser d’environ 30 % sur les 10 prochaines années ; nous allons apprendre énormément en termes de performances des véhicules pour affiner l’offre ; et cela va permettre à toutes les autres villes de disposer d’un retour d’expérience et d’un benchmark grandeur nature. »
 
De manière générale tous les industriels concernés se mettent en ordre de bataille. L’industriel albigeois Safra par exemple a déjà proposé à l’agglomération toulousaine des bus multi-hybrides particulièrement innovants, mais il manque encore un effet de masse, que la RATP peut fournir. « L'entreprise a fait un travail remarquable. Il faut maintenant que d'autres autorités de transport nous emboîtent le pas pour encourager ces innovations régionales », indique ainsi Denis Bacou, vice-président de Tisséo, exploitant des Businova de Safra. L’annonce de la RATP constitue de fait une excellente nouvelle pour le secteur de l’électromobilité, parce que rien ne vaut un appel d’offres à plusieurs milliards d’euros pour encourager la créativité. Au bas mot, en tablant sur un coût unitaire des bus de 300 000 euros, chiffre pour l’instant optimiste, c’est près d’un milliard et demi d’euros que la RATP va devoir débourser pour renouveler sa flotte de 4500 bus. Et c’est sans compter l’infrastructure de charge et les contrats de maintenance des véhicules : d’autres sources évoquent des contrats pour neuf milliards d’euros. Mais comme toute solution imposant un changement de modèle économique, l’essentiel des difficultés porteront sur la période de transition.  
 
La question de la génération de transition
 
Bien consciente que le bus électrique idéal n’existe pas encore, La RATP s’est engagé pragmatiquement dans la mise en service d’une génération intermédiaire : « à partir du vote de la délibération, tous les appels d'offres devront être en hybrides (électrique et diesel) ou en GNV (gaz naturel pour véhicule) », explique Pierre Mongin, PDG de la RATP, qui ajoute ailleurs : « On est dans une phase de transition énergétique ». En l’occurrence, c’est sur la technologie hybride que s’est porté le choix de la RATP, à défaut de mieux pour l’instant.
 
Du côté de la RATP, cela signifie très concrètement disposer de parcs très hétérogènes. Mais cette complexité supplémentaire n’effraie pas : « la RATP a développé un savoir-faire tant dans l’exploitation que la maintenance de véhicules de technologies différentes (Aquazole, Diester, GNV, électriques depuis 2000…). […] La RATP a proposé une migration progressive de sa flotte d’autobus vers l’électrique, à l’horizon 2025. Nous conserverions toutefois des bus à gaz, utilisant du gaz renouvelable et non fossile, pour une part allant jusqu’à 20% de notre parc. Suivre les progrès technologiques du biogaz nous permet également  de disposer d’un bouquet de solutions techniques et ne pas nous enfermer dans une seule technologie », explique Laurent Méret, Directeur Matériel Roulant Bus pour la RATP. Ce dernier précise d’ailleurs « qu’aucune solution n’est, à ce jour, privilégiée. »
 
Choix technologiques
 
La ou les solutions définitives restent à définir et à expérimenter. Du côté des constructeurs de bus, on reconnait de même que toutes les questions n’ont pas encore trouvé de réponses fermes et définitives, mais que des options existent. « Notre idée de départ a été de nous rapprocher de la RATP pour qu’elle nous donne la longueur moyenne d’une ligne de bus, et créer ainsi un véhicule sur mesure », explique Jean-Louis Berthou, responsable du secteur Transport collectif urbain chez EDF. Encore faut-il les tester maintenant.
 
Les mêmes questions se posent du côté des intégrateurs de systèmes de batteries, les réponses appartenant pour l’instant à la RATP. « Passer à l’électrique complet représente un certain nombre de contraintes, en fonction de la géographie des lieux : espaces urbains denses ou diffus, régions montagneuse ou plaines… La technologie utilisée et donc l’offre peuvent être variables. Pour les intégrateurs de systèmes de batteries comme nous, il s’agit de savoir s’il faut de l’énergie, un couple puissance-énergie ou la puissance seule. L’énergie déterminant très schématiquement l’autonomie, et la puissance l’aptitude aux accélérations et la facilité de recharge rapide, » explique Christophe Gurtner, PDG de Forsee Power, […] à notre niveau, on imagine que la RATP va forcément avoir besoin de l’ensemble des solutions techniques disponibles : à Montmartre, ce ne sera pas la même solution que celles utilisées dans le Val de Marne, en Seine-Saint-Denis ou dans le 8ème arrondissement. »
 
La première pierre est posée, même si beaucoup reste à faire, notamment en termes de choix et de maturation des technologies utilisées. Compte tenu des enjeux et des répercussions prévisibles sur l’ensemble des transports électriques, il s’agit probablement là de la première véritable avancée sur le chemin de la transition énergétique.
 



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