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Marcus Klingberg, ou la source qui fit vaciller Israël




Publié par Anatole Aldon le 1 Mai 2023

En 1983, Israël arrête en toute discrétion le docteur Klingberg, pour espionnage. Cet éminent épidémiologiste, haut placé au sein de l’Institut israélien de recherche en biologie, était en réalité un agent du KGB qui avait réussi à le recruter. Son importance fut telle qu’il est considéré comme l’espion ayant été le plus dangereux pour la sécurité d’Israël et à ce titre il fut, ensuite, détenu sous le régime du secret.



Un passé mouvementé et un enrôlement flou

Marcus Klingberg est à l’origine juif polonais. Il fuit les nazis en 1939 et se réfugie en URSS, où il grimpe les échelons en tant qu’épidémiologiste dans l’armée rouge, grâce à ses connaissances sur le sujet. Il dit lui-même qu’il aurait pu être vice-ministre de la santé en URSS.

Après-guerre, il revient en Pologne où il rencontre sa femme Wanda, avant de partir dans des conditions floues en Suède, où il travaille pour l’Ambassade polonaise. Mais dès 1948, il s’exile en Israël, dans un nouveau pays où tout reste à construire. Il rejoint vite la direction du nouvel Institut israélien de recherche en biologie, où son influence est considérable.
 
Son enrôlement par l’URSS demeure flou. Klingberg donnera sa version des faits, selon laquelle il se trouvait dans une maison de repos en Israël, en train de lire une revue scientifique en russe quand un homme a commencé à lui parler, en russe, de manière amicale. Un jour, cet homme le prend dans sa voiture et lui fait comprendre la nature de sa prise de contact.

À la suite de cela, les rencontres entre Klingberg et l’agent soviétique se décidaient grâce à des signes à graver sur un mur de Tel-Aviv. Et désormais les entrevues n’étaient plus dans la voiture de celui-ci mais dans une église orthodoxe de la ville, qui appartenait aux soviétiques.
 
Mais une autre théorie totalement différente existe à propos de son recrutement comme source par l’URSS. Selon cette théorie, Klingberg était déjà un agent du KGB à son arrivée en Israël, tout comme sa femme Wanda qui serait en réalité la figure dominante de ce que l’on appelle le réseau Klingberg. Cela expliquerait la facilité avec laquelle Klingberg avait trouvé du travail à l’ambassade de Pologne en Suède, connue à l’époque pour être un poste avancé des renseignements soviétiques. Mais Klingberg niera toujours le fait d’avoir été un espion dormant, envoyé par l’URSS.
 
Ce qui est clair malgré tout, ce sont les motivations de Klingberg à trahir Israël. Il a trahi par idéologie, trouvant la voie empruntée par Israël trop proche de l’Ouest (il voulait que certaines informations soient connues du bloc de l’Est comme de celui de l’Ouest), mais aussi par reconnaissance pour un pays qui l’a sauvé des nazis. La motivation financière n’a ici pas lieu d’être considérée car Klingberg dira lui-même qu’il aurait assimilé cela à de la « prostitution ». Klingberg disait ainsi que sur sa tombe il voulait marquer « Marcus Klingberg, militant antifasciste ». Si les convictions ont vraisemblablement poussé Klingberg à livrer des informations à l’URSS, des zones d’ombre subsistent puisqu’il apparaît néanmoins que pour lui, la fidélité à l’URSS et à Israël n’étaient pas incompatibles.
 
 

Un rôle essentiel au cœur des renseignements soviétiques, l’arrestation

Toujours est-il que Klingberg, pendant des dizaines d’années, livra des renseignements cruciaux à l’URSS sur les avancées israéliennes en matière d’armes bactériologiques et de recherches scientifiques et sur les visées et objectifs du pays. La source qu’il était ne transmettait ses informations que par voie orale, se basant sur ses souvenirs et refusait tout recours à des techniques de type encre sympathique ou autre. Il était d’autant plus important pour l’URSS que le régime communiste accordait énormément d’importance aux armes bactériologiques et à la recherche dans ce domaine et qu’Israël était très avancé sur le sujet.

Malgré son importance, Klingberg était selon lui très peu guidé par le KGB qui ne lui avait donné aucune consigne de sécurité hormis celle d’éviter les taxis et de changer régulièrement de bus et qui ne l’avait absolument pas préparé à un quelconque interrogatoire des services israéliens.
 
La chute de Marcus Klingberg a lieu en 1983. Les services secrets israéliens l’arrêtent et lui disent qu’un agent soviétique qui s’est fait retourner par Israël (on ne sait toujours pas qui) a révélé son rôle de source. Klingberg finit par avouer, ce que sa femme Wanda, probable espionne elle aussi, ne lui pardonnera vraisemblablement pas. Durant son procès, Klingberg est condamné à vingt ans de réclusion. Sa méthode de transmission d’informations se retourne alors contre lui, puisqu’il est condamné et ensuite privé de libération au motif ubuesque qu’il sait des choses qu’il n’a pas conscience de savoir.
 
Israël ne communique tout d’abord pas sur son arrestation, et des hypothèses circulent sur ce qui est arrivé au professeur. Seule sa famille sait où il est mais se tait pour ne pas perdre ses droits de visite. Il faut attendre l’article d’un journaliste anglais qui en vient à enquêter sur sa « disparition », et qui fut menacé pour cela par le Shin Beth, pour que l’affaire se médiatise peu à peu et que des pétitions fleurissent demandant la libération de ce vieil homme. Il finit par être libéré en 1998, en mauvaise santé, grâce à la hargne juridique de sa famille, et finit ses jours en France où il meurt en 2015.
 



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