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Guillaume Alvarez, Steelcase : « Le pouvoir de l’espace de travail, c’est de créer de la confiance et de l’engagement »




Publié par Solaine Legault le 16 Janvier 2019

Steelcase est un groupe mondialisé dont les produits, du mobilier de bureau, contribuent à l’optimisation de l’espace de travail. Guillaume Alvarez, vice-président senior EMEA (Europe, Middle East, Afrique) de Steelcase, nous donne quelques clefs de compréhension sur les différences culturelles qui s’expriment dans la manière d’occuper l’espace de travail.



Guillaume Alvarez, vous êtes vice-président senior EMEA (Europe, Middle East, Afrique) de Steelcase, entreprise américaine qui s’est développée en Europe en se mariant en 1974 avec l’entreprise alsacienne Strafor. Cette empreinte alsacienne et française est-elle toujours d’actualité ?

Steelcase est aujourd’hui une entreprise « mondialisée » bien implantée en France. Le groupe emploie en effet près de 1 000 personnes en France dont 300 dans l’unité de fabrication de sièges de Sarrebourg, une de nos plus grosses usines dans le monde.

Steelcase a fêté ses cent ans en 2017. Avez-vous marqué le coup ?

À l’occasion du 100e anniversaire de Steelcase, nous avons réalisé un atelier d’anticipation aux USA, intitulé « 100 rêves, 100 visions, 100 ans ». Ce fut un beau moment de partage, d’intelligence, de liberté et de mobilisation pour tous nos collaborateurs et partenaires.

Qu’est-il ressorti de cet atelier d’anticipation ?

J’en retiens trois choses marquantes. Nous avons d’abord ressenti un regain d’énergie axé sur ce que le futur pourrait nous offrir. Ensuite, hors du cadre habituel, toutes les activités auxquelles nous nous sommes livrés nous ont permis d’approfondir notre vision de l’humain au travail. Enfin, nous avons tous été particulièrement sensibles à ce que les enfants nous ont dit à leur manière sur leur vision du travail Video : [https://www.youtube.com/watch?v=NvHuEA1e3U8 ]. En somme, nous nous sommes sentis pleinement tournés vers le « design pour l’humain », ce qui donne du sens à l’ensemble de nos activités et produits pour des espaces de travail offrant un bien-être à la fois physique, émotionnel et cognitif.

Pour Steelcase, l’espace de travail est donc un avantage concurrentiel ?

Selon les travaux de notre directrice de recherche Catherine Gall et de ses équipes, l’espace de travail a trois fonctions : attirer et fidéliser les talents, accroître la productivité des équipes à distance, promouvoir le bien-être des employés. L’espace est ainsi un amplificateur de la performance des individus, des équipes et des entreprises.

Est-ce cela que vous appelez le « pouvoir de l’espace » ?

L’espace est parlant au-delà des mots. Le pouvoir de l’espace de travail, c’est de créer de la confiance et de l’engagement. Le pouvoir de l’espace est un pouvoir de démonstration par le tangible et le vécu : tout le contraire d’un discours ou d’une déclaration. Nous voyons bien à quel point aujourd’hui les paroles officielles peuvent être mises à mal, y compris en entreprise… Le pouvoir de l’espace est de faire vivre des expériences convaincantes, de pouvoir représenter de manière authentique des aspirations au changement et de renforcer de nouvelles formes de management de proximité. À titre d’exemple, chez Steelcase, les leaders n’ont pas de bureaux cloisonnés. Je tiens moi-même à être abordable pour parler avec les autres, sentir, imaginer, aider…

Qu’appelez-vous les espaces « résilients et interconnectés » ?

Les espaces résilients sont ceux qui permettent de s’adapter à de nouvelles contraintes sur les plans technologique, comportemental ou réglementaire… Les espaces interconnectés sont des espaces de travail permettant d’avoir une « présence distribuée » entre le réel et le virtuel. Nos propres équipes de recherche en interne se sont penchées sur la question du confort au travail sous ses trois aspects : physique, émotionnel et cognitif. Ce dernier aspect cognitif est une dimension qui émerge de plus en plus : il recouvre tout ce qui permet de se situer dans l’action et dans l’espace par rapport aux autres.

Votre siège i2i est dit siège « collaboratif ». Qu’est-ce à dire ?

Le nom de ce siège i2i repose sur le rapport sémantique entre le « i » anglais et « eyes »… Dans les nouveaux espaces de travail adaptés aux nouveaux usages de travail, de collaboration et de communication, c’est le maintien du contact visuel qui compte le plus, qu’il s’agisse d’une réunion physique ou d’une téléconférence. Pour cela, le siège i2i est doté d’une articulation spéciale entre l’assise et le dossier qui permet de les désolidariser à volonté en fonction des mouvements. Nous en sommes très fiers.

Steelcase a fait une grande étude sur les différences culturelles de 11 pays, qui permet de comprendre le « culture code » propre à chaque pays. Ce modèle est-il opérationnel ?

Gardons-nous en effet de toute recette caricaturale, de toute rigidité. Notre « culture code » n’est pas prédictif, il aide à réfléchir sur les besoins de nos clients où qu’ils se trouvent dans le monde. Cette étude expose clairement l’idée qu’un espace bien conçu peut favoriser la confiance entre les individus, optimiser leur collaboration et permettre in fine une mondialisation plus rapide et plus efficace de l’entreprise. Pour optimiser l’espace de travail, il ne suffit pas de réduire la superficie, il faut repenser entièrement l’espace.

Si le fait de diminuer la superficie ne suffit pas pour optimiser l’espace de travail, sur quels leviers agissez-vous ?

Notre étude « Culture code » met en avant deux facteurs essentiels : d’une part la tolérance face à la densité, d’autre part le consentement à travailler sur d’autres sites. À titre d’exemple, et une fois de plus sans trop faire parler le modèle, le groupe France-Italie-Espagne se montrerait moins tolérant à la densification (sans espaces supplémentaires pour tous en contrepartie)) et serait attaché à une attribution de l’espace plus égalitaire. Mais, pour autant, il ne faut pas sous-estimer la culture propre à chaque entreprise.

Comment abordez-vous la question de la culture d’entreprise dans l’organisation de l’espace de travail ?

Je le répète, il faut faire attention aux standards simplistes. Car on assiste en réalité à un double mouvement : d’une part, la culture d’entreprise a un rôle de plus en plus important dans les grands groupes mondialisés ; d’autre part, il y a quand même des codes et des références locales différents entre Paris, Londres ou Munich… Et dans ce cadre émergent des cultures d’entreprise fortes et visibles, voire atypiques, comme c’est le cas chez Steelcase. Tous ces éléments sont à prendre en considération pour réussir à créer une palette d’espaces particuliers pour réfléchir, seul ou en groupe, collaborer, accompagner des collaborateurs, se reposer… Voilà une des clefs pour rendre la densité tolérable.



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