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Jean-Yves Le Drian, meilleur VRP de l’armement tricolore ?




Publié par La Rédaction le 10 Décembre 2015

L'année 2015 n’est pas terminée, mais le compteur des exportations d’armements affichent déjà près de 17 milliards d’euros ! Une performance inédite que le France doit en grande partie au travail de bénédictin de son discret mais efficace ministre de la défense Jean-Yves le Drian. Actuellement en course pour la présidence de la région Bretagne, il risque d'être vivement regretté par le petit monde de l'industrie de défense en cas de victoire, sachant que son éventuel remplaçant au MINDEF n'est pas connu, et que les spéculations à ce sujet vont bon train.



« Si l'on ajoute les Rafale, les hélicoptères et les ventes dans les domaines naval et satellitaire, nous avons déjà engrangé plus de 15 milliards d'euros de commandes d'armement français cette année ». Une lecture rapide pourrait faire croire qu’il s’agit d’un dirigeant d’entreprise présentant son bilan annuel, mais ces mots sont bien ceux de Jean-Yves Le Drian, dans une interview au Journal du Dimanche (1). Et encore, cette déclaration ne tient pas compte d'un contrat signé en octobre avec le Koweït. Le ministre de la défense se permet néanmoins déjà d’ajouter que cela représente « près de 30.000 emplois nouveaux sur plusieurs années pour ce secteur industriel ». Le bilan du ministre de la défense sur le front de l’emploi est peut-être du coup supérieur à celui de sa collègue du ministère du travail, mais les querelles de clocher n’intéressent pas au ministère : seuls comptent les résultats d’une équipe qui a manifestement trouvé la bonne recette pour que la France se remettent à exporter.

Il est toujours possible de trouver des mauvaises langues qui objecteront que le travail d’un ministre n’est pas de faire tourner les chaînes de montage de l’industrie d’armements, mais ils sont bien rares dans les couloirs de l’Hôtel de Brienne. En réalité, plus rares encore sont les ministres parvenus à un tel consensus sur leur personne, qu’il s’agisse des politiques de tous bords, de militaires ou du complexe militaro-industriel. « Il n’est pas arrogant. Il ne joue ni les va-t-en-guerre ni les héros », admet ainsi volontiers l’ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin (2). Travailleur acharné, négociateur avisé et fin connaisseur du milieu de l’armement, Jean-Yves Le Drian s’est imposé en quelques années comme le meilleur vendeur d’armes françaises, bien loin des effets d’annonces sans lendemain des années Sarkozy.

Rafale Marine de Dassault sur le PA Charles de Gaulle
Rafale Marine de Dassault sur le PA Charles de Gaulle
De la discrétion, de la méthode et un contexte

S’il y a bien une caractéristique du ministre que le très policé monde de l’armement apprécie, c’est sa discrétion. Pas d’annonces intempestives, pas de peau de l’ours vendue par anticipation et pas d’interférences avec la partie purement commerciale. Dans des contrats négociés entre Etats, le ministre français de la défense tient son rang, tout son rang, mais rien que son rang, tel qu’il le dit lui-même (2) : « Je n’arrive pas avec un catalogue à la main. Je n’ai pas à discuter du détail des contrats et des prix. Mon rôle, c’est le partenariat stratégique avec les pays alliés, ce qui suppose d’aller voir très souvent leurs dirigeants. »

En matière de méthodes d’exportations, il faut dire que les leçons des gouvernements précédents ont été retenues, notamment après l’inadmissible échec du Rafale au Maroc. Désormais les rôles sont mieux répartis, particulièrement entre le Président de la République et le ministre de la défense. « A la grande différence de l’ère Sarkozy, le président de la République avait annoncé dès la campagne de 2012 qu’il déléguerait la responsabilité des exportations au ministère de la Défense », explique-t-on ainsi à l’Hôtel de Brienne. Du coup, les Français chassent désormais en meute, ministres de la défense et des affaires étrangères en tête, DGA, militaires et industriels en rangs serrés derrière.

Alors que selon Stéphane Reb, directeur du développement international de la DGA, la région Asie-Pacifique absorbait plus de 40% des exportations en 2012, contre 16 % pour le Golfe arabo-persique, la donne risque de totalement s’inverser aujourd’hui, notamment du fait d’une dégradation nette du contexte sécuritaire au Moyen-Orient. Entre la poussée de l’Etat-islamique, et l’enlisement de la situation, en Irak, en Syrie, en Libye et au Yémen, rien ne permet d’affirmer que les besoins en armements des pays de la région vont diminuer. A ce contexte incertain s’ajoute une certaine défiance vis-à-vis de l’allié américain, jugé bien trop compromis avec l’Iran chiite par les monarchies sunnites du Golfe. Sur ce terrain complexe, notre ministre place ses pions.

VBCI de Nexter Systems
VBCI de Nexter Systems
Du Caire à Canberra : un palmarès et des chantiers

Avec le rachat des deux Mistral de DCNS, l’Egypte est en passe de devenir le premier client export de la France. Car les deux bâtiments ex-russes s’ajoutent à une liste déjà longue, pour un total compris entre 6 et 8 milliards d’euros désormais. A l’origine de ces commandes record, la proximité entre le président Sissi et Jean-Yves le Drian, pour une bonne partie, mais aussi une reconnaissance de la qualité des matériels français, désormais éprouvés et combat-proven aux quatre coins de « l’arc de crise ». L’Inde est un autre gros consommateur de Made in France puisque Dassault est en négociation exclusive avec Delhi depuis maintenant trois ans. Un premier lot de 36 appareils sera bien livré, mais le doute subsiste sur les 90 autres. Le contrat du siècle de l’aviation militaire est en train de perdre un peu de sa superbe, même si cela reste l’un des plus gros.

Si contrats du siècle il reste à signer, c’est au Qatar et en Australie qu’il faut aller prospecter désormais. L’Australie n’envisage rien de moins que le renouvellement de la totalité de sa flotte sous-marine : jusqu’à 12 sous-marins pourraient être commandés. Jean-Yves Le Drian devrait s’y rendre très prochainement pour évoquer ce dossier et faire avancer la position française. Entre temps, rien ne dit que notre ministre de la défense ne va pas s’accorder son treizième voyage au Qatar depuis 2012. Il faut dire que la monarchie du Golfe avec laquelle la France entretient des relations particulières est un prospect intéressant : missiles, hélicoptères, blindés, frégates… L’émirat est très demandeur. Si Dassault a d’ores et déjà réussi à caser 24 Rafale (3), Nexter Systems attend patiemment son heure pour décrocher la première référence export de son VBCI. Excellemment placé dans la compétition pour un marché de plus de 400 blindés, le VBCI compte sur son historique récent dans toutes les opérations extérieures de la France pour damer le pion à la concurrence. L’enjeu est de taille, à la fois pour l’industriel mais aussi pour le solde des exportations 2016 : le montant du contrat tournerait autour des 3 milliards d’euros. Nexter Systems a de son côté consenti des efforts considérables d’adaptation sur fonds propres aux demandes qataries : nouvelle version alourdie, refondue, remotorisée et une nouvelle tourelle (CTA40 et même celle des BMP-3 de l’inventaire Qatari). Nexter Systems entend bien cueillir aussi les fruits de la méthode Le Drian, même si le Qatar a annoncé de son côté remettre à plat l’appel d’offres pour les véhicules blindés à l’été 2015, et relancer les tests. Compte tenu de la proximité du Ministre avec le Cheikh Tamim ben Hamad Al Thani, nouvel émir du Qatar depuis 2014, les choses se présentent plutôt bien pour l’avenir, même si tout le monde garde à l’esprit que les négociations avec le Qatar sont souvent longues et le résultat incertain.

Forte de ces opportunités, l’année 2016 pourrait être encore meilleure que 2015, mais à condition toutefois que le Ministre poursuivent sur sa lancée. Or, le principal obstacle à son maintien en poste, ce sont les élections régionales. Jean-Yves Le Drian a en effet choisi de prendre la tête de la liste PS en Bretagne. En raison de la volonté de ne pas cumuler les mandats, Jean-Yves Le Drian sera tenu de passer la main rue Saint Dominique en cas de victoire le 13 décembre. Si cela devait se produire, espérons simplement que la méthode, les équipes, et la cohérence globale de l’offre France sur les marchés des exportations d’armements survivent à son départ.
 



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