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Algérie : Mort subite du chef d’état-major algérien, le Gal-major Ahmed Gaïd Salah : Mission terminée




Publié par Kamel Lakhdar Chaouche le 7 Janvier 2020

Le 23 décembre 2019, le général de corps d’armée, chef d’état-major de l’ANP et vice-ministre de la Défense nationale, le général-major Ahmed Gaïd Salah passe l’arme à gauche. Pourtant, une année durant il a sillonné les régions militaires, alternant discours et déclarations publiques. Une fin de mission pour celui qui avait déposé le président Bouteflika, le remplaçant par l’ancien premier ministre, Abdelmadjid Teboune. Officiellement, le général est mort des suites d’une crise cardiaque !



Comme toutes les autres morts ayant ébranlé les opposants, les présidents, les généraux, les historiques, les politiques… etc. ! C’est désormais la règle au sein des Institutions que de mourir subitement d’attaque cardiaque.

La tradition algérienne de s’abstenir de communiquer à propos des morts, dans la maison officielle, n’a pas été totalement respectée. Le général Saïd Chengriha, commandant des Forces terrestres, a été aussitôt désigné, dès l’annonce officielle du décès de Gaïd Salah. Sinon comment peut-on expliquer la précipitation dans la désignation, tambour battant, de son successeur le chef de l’armée de terre, le général Saïd Chengriha, le jour même ? Faut-il prendre pour argent comptant le constat d’une mort subite qui tombe à pic en situation de crise nationale ? Et justement les morts « subites » se succèdent et laissent dubitatif le plus ingénieux des observateurs. Il y a deux mois, le général Djamel Amroune, directeur général des Dotations et habillements au sein de l’ANP, a été retrouvé mort… dans son bureau.

L’histoire de l’Algérie est pavée de crimes et des disparitions des plus abjects. Le Système algérien demeurera-t-il en marge des mouvements profonds et historiques qui bercent le peuple ? Le changement revendiqué et le renouveau porté par des millions d’Algériens sur les scènes nationale, régionale et internationale interpellent les consciences et se prêtent à de profondes méditations, à tous les niveaux de la société.

Dans le sérail, les luttes de clans se jouent à coup de liquidations, calculs politiciens, évictions et nominations stratégiques. Un seul procédé : « Nul n’est indispensable » pour la survie du système. Quant à la fébrilité patriotique et révolutionnaire ambiante du peuple, elle a souvent été détournée par les tenants du système et instrumentalisée. Méprisé, laminé, maintenu en marge des jeux du pouvoir, le peuple est-il castré pour rester ce héros « des révolutions inachevées » ? L’état-major de l’armée, cœur du système, conserve tous les anciens artifices pour mettre en place l’artifice décri dans la célèbre formule du film Le Guépard : « Il faut tout changer pour ne rien changer » ! Répondre à toutes ces interrogations c’est appréhender l’identité de ceux qu’on appelle « le Système » dans sa globalité.

Le drame algérien pourrait constituer une source d’inspiration inépuisable pour le cinéma. Les exécutions sont transmises en direct. Le monde entier se souvient quand un certain 29 juin 1992 le président Mohamed Boudiaf fut assassiné. Un crime filmé en direct par la télévision, nationale, surnommée l’Orpheline par les Algériens, et retransmis au journal télévisé de 13 heures. À ce jour, le crime demeure impuni, mais on sait au moins qu’il a été tué par un militaire en service. Ce n’était pas un arrêt cardiaque, mais une balle dans le cœur.

Les multiples limogeages dans la haute hiérarchie de l’armée, en tenue ou en civil, tous décidés par le chef d’état-major, Ahmed Gaïd Salah, héritier par défaut du système de Bouteflika, n’ont-ils pas redoublé d’intensité ? L’arrestation et la mort subite des chefs militaires algériens ne sont-elles pas le résultat de cette guerre dans l’ombre ? Il faut dire que l’imaginaire populaire s’interroge si la main de Rab Dzayer ne récidive pas. À force de crier au loup, on risque de n’être plus écouté.

La disparition du général-major Djamel Amroune, retrouvé mort dans son bureau, avait alimenté de nombreuses thèses : liquidation, suicide et enfin crise cardiaque. Dans ce genre de mort subite, les auteurs ne manquent pas d’arguments institutionnels et médiatiques. Une telle pratique n’est propre qu’à l’Algérie. C’est dans l’usage et les mœurs des dictatures nées « des soleils des indépendances ».

La propagande officielle et le milieu médical rassurent et attestent que « la mort » des victimes aurait été causée par le « surmenage » : « Trop de travail, pression permanente, et d’autres symptômes liés à la fonction ».

L’ambassadeur d’Algérie au Mexique, M. Rabah Haddid, un spécialiste des questions multilatérales, est décédé subitement dans son bureau, par suite d’un arrêt cardiaque, soit deux jours avant celle Ahmed Gaïd Salah, chef de l’État-major de l’armée.

Les dignitaires du pouvoir militaire algérien seraient-ils bénis pour ne connaître qu’une mort sans souffrance ou seraient-ils maudits pour les crimes commis par et au sein de l’institution elle-même ? Le chef d’état-major de l’armée qui avait conduit le processus de la reconquête du pouvoir par le système militaire, narguant la révolution du peuple et ses espoirs, vient ainsi de rejoindre d’autres généraux disparus des suites de crises cardiaques.

Le marathonien de la contre-révolution populaire aurait été à son tour terrassé par une mort subite. Du coup, une nouvelle ère s’ouvre avec un nouveau président et un nouveau chef d’état-major, qui ont déjà pris du service. Ils sont souvent repêchés dans les terroirs ou recyclés dans les labos du système. L’Algérien en est désormais pleinement conscient.

Les Bouteflika, Toufik, Tartag, les Khaled Nazer, les Hamel, Gaïd Salah, les Ahmed Ouyahia, les Sallel et autre Bensalah ne sont qu’un mauvais souvenir. Des portraits sont retirés et d’autres accrochés sur le fronton de la maison Algérie quoique le soulèvement populaire déterre ceux des artisans de sa guerre de libération et réalise la revanche posthume de Abane Ramdane, passant par celle de Krim Belkacem et de Mohammed Khider et autres.   

Cette mort soudaine de l’homme le plus fort du système, le Gr Ahmed Gaïd Salah, serait-elle le fait de l’ange de la mort ou le verdict du Commandeur moliéresque venu arracher Don Juan à sa vie de turpitudes ? Faits et situations qui rappellent la vieille recette du fameux KGB et les pratiques de son subterfuge le FSB, mamelle nourricière du système militaire algérien. L’art du crime fait appel à de nouveaux procédés opérationnels, qui ne laissent aucune trace quand un opposant ou un allié est éliminé.

La thèse mystérieuse de la mort en 2016 du patron du plus fermé des services secrets russes, le général Igor Sergoune, par suite d’une attaque cardiaque, avait alimenté des rumeurs sur un possible nettoyage au sein de l’état-major. Le monde entier se posait pourtant la question : qu’en est-il en réalité ?

Le même doute plane sur la mort du général Gaïd Salah. Mais il n’est pas le seul ! Il y eut bien, avant lui, l’ancien chef d’état-major de l’armée algérienne le général-major Mohamed Lamari, qui incarnait l’aile dure du système, tout le long de la décennie noire, décédé le 13 février 2012. D’une crise cardiaque, lui aussi ! Avant lui, le directeur de la sécurité intérieure, le général-major Smail Lamari, est décédé le 27 août 2007 à la suite d’une... crise cardiaque ! La disparition du général Ahmed Boustila, patron de la Gendarmerie nationale, a aussi surpris son monde ! La crise cardiaque est passée par là aussi.

Les rumeurs sur toutes ces « morts » n’avaient pas manqué d’interpeller la conscience populaire. Décidément, les dirigeants militaires algériens ont le cœur fragile. Faut-il penser à inscrire dans la nouvelle Constitution, que pour être promu général au sein de l’armée, il faut avoir un cœur très solide ? Ces retours en force sur le devant de la scène s’assimileront à des retours cycliques sous les feux de la rampe ainsi que « l’Éternel retour » de Nietzsche. Puisque l’histoire semble se répéter et puisque le peuple algérien est éternellement condamné à se battre contre les mêmes démons qui hantent son histoire, ces forces obscures sont qualifiées de « forces extra-constitutionnelles » tout particulièrement ces dernières années.

Les expressions : « El Moukhabaret » (…) les laboratoires » chères à Hocine Aït Ahmed ne sont plus un tabou. On parle même sans gêne de l’Etat profond. Même le président Mohamed Boudiaf, figure historique du Front de libération nationale (FLN) n’avait pas échappé à la règle, lui-même, avoua qu’avant d’accepter de remplir le vide constitutionnel et être nommé à la tête du Haut Comité d’État (HCE), il avait eu à faire aux décideurs. « J’ai parlé avec les décideurs et j’ai accepté de répondre à l’appel de l’Algérie », avait-il affirmé.

Le vétéran de l’opposition avait dit la vérité. Rien ne se décide, rien ne s’exécute sans l’aval du Commandement de l’Armée. C’est lui-même qui décide qu’ils sont les alliés et les opposants dans le jeu politique. Cette mainmise restera toujours feutrée et discrète. Mais dès qu’elle sort de son mutisme lors des grandes crises, c’est pour imposer sa feuille de route. Le système algérien militaire s’adapte et excelle dans son art à entretenir cette démocratie de façade.

Les représentants de ce système ombrageux et obscur, nous apparaissent en costume. Toutefois, dans le réel pouvoir de l’antichambre décisionnelle, ils portent une casquette. Les présidents successifs depuis l’indépendance ne disposent pas d’un pouvoir réel, leur marge de manœuvre a toujours été réduite. Leurs pouvoirs se limitent à ce que leur concède le pouvoir militaire dans l’arrière-cour.

En Algérie, Les crimes d’État ont toujours été une des méthodes favorites de gouvernance. L’histoire de l’Algérie combattante comme celle de l’Algérie postcoloniale rappelle cette pratique même quand l’organe officiel du Front de libération national « El Moudjahed » présentera le militant Abane Ramdane, comme « un des chefs de la Guerre de libération tombé au champ d’honneur ». En vérité, pourtant, il fut bel et bien assassiné par les siens. Puis s’ensuivit une longue liste qui commença dès le lendemain même de l’accession à l’indépendance. Tels furent les cas les plus connus comme Khemisti, comme Chaâbani, comme Krim Belkacem, comme Mohamed Khider, comme Ahmed Medeghri, comme Ali Mécili, comme Kasdi Merbah, et bien d’autres. ….



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