Enderi

Accueil
Envoyer à un ami
Version imprimable


Marché africain des hydrocarbures : tendances pour 2019




Publié par Camille Blanc le 30 Janvier 2019

En Afrique les marchés des hydrocarbures changent peu à peu de physionomie. Elections, mégaprojets, concurrence géopolitique… L’année 2019 apporte son lot de défis.



La contribution de l’Afrique dans le marché mondial des hydrocarbures est encore faible avec une production qui avoisine les 4 millions de barils par jour, soit 4 % de la consommation mondiale. Les projections sont néanmoins encourageantes, malgré les difficultés.
 
Intensification de l’exploration
 
2019 verra l’avancement de nouveaux projets d’exploration et de production en Afrique de l’Ouest. Au Sénégal, le champ pétrolier de SNE se développe : des travaux d’étude sont en cours et une décision finale d’investissement (FID) est attendue cette année par Woodside Energy et Cairn Energy. Au Niger, le gisement pétrolifère Amdigh a un programme de production de 5 millions de dollars qui devrait commencer prochainement qui Savannah Petroleum.
Mais de nouvelles explorations arrivent aussi à l’Est. Au Kenya, le bassin sud de Lokichar devrait être ouvert par Tullow Oil : la FID est également attendue avant la fin de l’année.
 
En 2019, nombreux sont les appels d’offres. Le Gabon et le Congo-Brazzaville, membres de l’Opep, ont chacun des appels d’offres en cours. La douzième série de licences du Gabon en eaux peu profondes et profondes devrait s’achever en avril 2019 et la phase II des licences du Congo-Brazzaville en juin 2019. Les résultats de ces appels d’offres diront si les investisseurs sont convaincus par les réformes dans ces deux pays…
 
Le Nigéria et l’Angola, deux producteurs africains plus importants et aussi membres de l’Opep, vont lancer des appels d’offres importants. Le Nigéria mettra aux enchères ses sites de torches à gaz dans le cadre du programme nigérian de commercialisation des torchères, probablement après les élections générales de février. L’Angola lancera son appel d’offres pour les champs marginaux lors de la conférence d’Africa Oil & Power à Luanda en juin 2019, résultat d’une nouvelle politique adoptée en mai 2018 par le président Lourenço.
 
Au Ghana, le dernier entrant sur la scène pétrolière africaine, le premier appel d’offres officiel doit s’achever en mai 2019 : il aurait attiré l’attention de seize sociétés pétrolières, dont les majors ExxonMobil, BP, Total et ENI. En Afrique de l’Est, Madagascar propose également jusqu’en mai 2019 quarante-quatre concessions qui n’ont jamais été l’objet d’un appel d’offres ou explorées — ce qui est un vrai pari.
 
Développement du Floating Liquefied Natural Gas (FLNG)
 
Après le Cameroun et son navire Hilli Episeyo FLNG de Golar LNG, la Guinée équatoriale, malgré un manque de financement, attend beaucoup de son projet Fortuna FLNG, premier développement d’une unité flottante de production de GNL en eau profonde en Afrique. La Guinée équatoriale trouvera-t-elle un partenaire pour remplacer Ophir Energy, qui s’est vu refuser en janvier de cette année l’extension de sa licence ?

Le 21 décembre dernier, BP a finalement annoncé sa FID pour la phase 1 du développement du site transfrontalier entre le Sénégal et la Mauritanie, Grand Tortue Ahmeyim, qui attend installation d’un système FLNG de 2,5 millions de tonnes par an (MTPA). Il s’agit du troisième projet africain de FLNG à obtenir une FID après le Hilli Episeyo du Cameroun et le FLNG Coral South de 3,4 MTPA du Mozambique. C’est de bon augure pour l’avenir de l’industrie des hydrocarbures en Afrique de l’Ouest
 
De grands projets énergétiques
 
Le continent abrite de très grands projets énergétiques destinés à transformer l’industrie. Le projet Grand Tortue Ahmeyim, précité, vise à extraire des milliards de m3 de gaz situé à une profondeur de 2 850 mètres. Cependant, le Sénégal et la Mauritanie auront besoin de résoudre leurs différends pour assurer le développement de leurs réserves et de leurs installations en mer.
 
Les mégaprojets de gaz africains sont également présents sur la côte ouest du continent. Le Mozambique a lancé deux projets phares dans le domaine du gaz naturel liquéfié (GNL). A la suite du lancement du projet Coral South FLNG par ENI en juin 2017, une FID est maintenant prévue dans les prochains mois pour le projet onshore Mozambique LNG, dirigé par Anardarko, et initialement composé de deux trains de GNL totalisant 12,88 MTPA destinés à l’exportation.
 
Le Nigeria, le plus gros producteur de pétrole d’Afrique subsaharienne, a également d’importants projets pétroliers. L’année dernière, le FPSO Egina de Total, d’une valeur de 3,3 milliards de dollars, y a été lancé : la production a officiellement démarré aux premiers jours de 2019, et devrait culminer à 200 000 barils par jour (b/j). La FID est maintenant attendue sur le champ offshore de Shell à Bonga Southwest au début de cette année, un développement de plusieurs milliards de dollars dont la production devrait atteindre 180 000 b/j.
 
Les grandes puissances en embuscade
 
L’Afrique est plus que jamais le terrain de jeu des acteurs internationaux qui veulent tirer parti de ses ressources immenses. Si la Chine intensifie sa stratégie d’investissement pour renforcer sa position déjà solide sur le continent, la Russie a des intentions de plus en plus claires et attend que le premier sommet Russie-Afrique se traduise par des accords concrets. Dans le même temps, il n’est pas sûr que l’initiative américaine « Prosper Africa », lancée en décembre 2018, puisse compenser la baisse de l’influence américaine.
 
La diplomatie de l’Opep en Afrique
 
L’Opep est constituée en majorité de membres issus de nations africaines depuis l’adhésion de la République du Congo en juin 2018. Il lui faudra beaucoup d’ingéniosité diplomatique pour gérer l’offre mondiale, car les principaux producteurs africains de l’Opep (Algérie, Libye, Nigéria, Angola et Congo-Brazzaville) s’efforcent d’accroître leur production nationale.
 
L’Afrique abrite également une multitude de producteurs de pétrole en devenir, comme le Sénégal, le Kenya ou l’Ouganda, ou d’anciens producteurs faisant un retour comme le Sud-Soudan, dont la production future complique la stratégie globale de gestion des prix du pétrole de l’Opep : comment en effet créer un environnement propice aux investissements avec des prix stables, tout en évitant une surabondance d’approvisionnement qui ferait baisser les prix.
 
Des élections chez les plus grands producteurs africains
 
Comparée aux élections au Sénégal ou au Mozambique, aucune ne sera plus importante pour le secteur pétrolier que celle du Nigéria en février 2019. L’élection présidentielle nigériane façonnera l’avenir du secteur, non seulement parce que le Nigéria est le plus grand producteur de pétrole et de gaz d’Afrique, mais aussi parce que ce qui se passe au Nigéria a une incidence sur le reste du sous-continent. Muhammadu Buhari, candidat à la réélection, et son allié devenu rival, Atiku Abubakar, se sont engagés à signer le projet de loi nigérian sur l’industrie pétrolière. La signature futur président aura une grande influence sur les investissements dans le secteur des hydrocarbures au Nigéria pour les années à venir.
 
Au nord, l’Algérie et la Libye entrent aussi dans une année électorale, les élections générales libyennes de 2019 étant fixées pour le premier semestre de l’année et celles d’Algérie pour le mois d’avril. Les deux pays sont en voie de transformation. Les autorités libyennes prévoient de plus que doubler la production du pays, qui devrait atteindre 2,1 millions de b/j d’ici 2021. Le fils de Mouammar Kadhafi, Saïf al-Islam Kadhafi, devant se présenter aux élections dans ce pays divisé entre l’Ouest et l’Est, la stabilité requise par les investisseurs n’est pas acquise.
 
En Algérie, où une vague de réformes secoue tout le secteur des hydrocarbures, les élections devraient maintenir un statu quo relatif, du moins sur le plan politique. La grande compagnie pétrolière nationale du pays, la Sonatrach, a lancé une stratégie de transformation ambitieuse qui lui permettra d’investir 56 milliards de dollars au cours des quatre prochaines années et de progresser au sud du Sahara.
 
Les réformes en Angola
 
Depuis son entrée en fonction à l’été 2017, le président angolais João Lourenço a mis en œuvre un programme réformiste qui transforme radicalement la gouvernance du secteur pétrolier et gazier du pays. Les forces du marché permettront-elles que ces changements se fassent à ce rythme et produisent les résultats escomptés par le gouvernement ? On peut le penser au vu des accords importants signés ces derniers mois par Total et BP pour renforcer leurs activités en Angola.
 
Afin de présenter le travail accompli par Sonangol et le gouvernement angolais pour générer davantage d’investissements dans l’industrie pétrolière et gazière du pays, l’Angola soutient une conférence internationale organisée par Africa Oil & Power à Luanda du 4 au 6 juin 2019, où sera lancé l’Appel d’offres des champs marginaux. Il s’agira du premier road-show officiel organisé en Angola sous l’administration actuelle, et devrait dévoiler un nouvel ensemble de réformes et d’engagements d’investissement.
 
Le Sud-Soudan dans l’attente de la paix
 
Les autorités soudanaises et sud-soudanaises ont maintes fois démontré leur attachement au processus de paix. Cependant, les accords de paix pourront-ils se traduire par des promesses d’investissement dans l’économie du Soudan du Sud cette année. Certains signaux le laissent penser : l’an dernier, par exemple, le Central Energy Fund sud-africain a annoncé qu’il investirait un milliard de dollars au Soudan du Sud. Les marchés restent cependant sceptiques, attendant de voir comment la production pétrolière reprendra avant de s’aventurer davantage dans le pays.
 
De nouveaux producteurs de pétrole en Afrique de l’Est
 
L’Ouganda devrait rejoindre le club des producteurs de pétrole africains. A cet effet, des efforts sont en cours pour mettre en place une infrastructure adéquate pour l’évacuation du pétrole qui sera produit dans le bassin du lac Albert. Le projet semblait aller de l’avant lorsque l’Ouganda et la Tanzanie ont échangé en mai 2017 l’accord intergouvernemental relatif à l’Oléoduc pour l’Afrique de l’Est, d’une longueur de 1 443 km. Pourtant, les partenaires de la construction de ce pipeline, le groupe français Total, le chinois CNOOC et Tullow Oil, doivent encore prendre la décision finale d’investissement. Dans le même temps, les accords avec les gouvernements hôtes doivent être signés en janvier, mais les retards dans la conclusion de l’accord financier ont déjà retardé les ambitions de production pétrolière de l’Ouganda de 2020 à 2021. L’oléoduc est crucial pour l’intégration future de la communauté de l’Afrique de l’Est et pour établir un précédent positif de planification, de financement et de mise en œuvre de projets énergétiques conjoints dans la région.



Nouveau commentaire :

ENDERI promeut la liberté d'expression, dans le respect des personnes et des opinions. La rédaction d'ENDERI se réserve le droit de supprimer, sans préavis, tout commentaire à caractère insultant, diffamatoire, péremptoire, ou commercial.

Dans la même rubrique :
< >

Jeudi 7 Décembre 2023 - 16:00 Énergie : l’Italie met le cap sur l’Afrique

Lundi 20 Novembre 2023 - 14:00 À qui la France vend-elle des armes ?