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Guerre au mali : entre échecs et succès




Publié par Pierre-Marie Meunier le 17 Septembre 2013

Neuf mois après le début de l'opération Serval, le bilan de l'intervention française au Mali reste mitigé. Si certains préfèrent mettre en avant les succès militaires des premiers jours, d'autres ne voient pas d'un bon œil l'enlisement de la présence française dans ce pays encore fragilisé par les luttes internes entre factions religieuses, groupuscules terroristes et mouvances tribales.



(Source EMA-EPAD)
(Source EMA-EPAD)
Une réussite militaire

Contrairement à l'engagement français en Afghanistan, la Guerre au Mali bénéficie d'une certaine acceptation au sein de la population. Selon les observateurs, ce sentiment relativement favorable est intrinsèquement lié aux résultats cumulés par l'Armée sur le terrain. Dès les premiers jours du conflit, les troupes françaises infligent plusieurs revers d'affilée aux rebelles islamistes avançant sur Bamako. Konna, la ville la plus proche de la capitale malienne tombée aux mains des miliciens, est reprise le 12 janvier 2013, soit deux jours seulement après le début de l'intervention. Les détachements français récupèrent rapidement les cités sous contrôles des rebelles, entre autres Kidal, Diabaly, Gao et Tombouctou. Ces victoires, relayées en grande pompe par les services presse de l'armée, sont en outre obtenues sans trop de pertes majeures. Côté français, on déplore six soldats morts sur le front et quelques engins détruits, contre des centaines d'islamistes tués et autant de blessés. Sur le plan militaire, l'opération Serval est un franc succès auquel les alliés de la France ont participé financièrement et logistiquement, mais de manière limitée.

Des répercussions contrastées sur l'image de la France

Les triomphes des troupes françaises au sol sont salués par les partenaires économiques et politiques de l'Hexagone. La Cedeao a notamment félicité l'Armée française pour sa réactivité, son intervention dès les premières heures de la prise de Konna ayant empêché les rebelles du MNLA, du MUJAO et d'AQMI d'atteindre Bamako. Sur le plan diplomatique, l'opération Serval rappelle au monde entier le rang et la position de la France sur l'échiquier géopolitique africain. L'intervention montre à tous que le pays reste une des plus grandes puissances militaires, politiques et diplomatiques au monde. Cette piqûre de rappel s'adresse notamment aux détracteurs, voyant la France comme un ancien leader du monde occidental sur le déclin.
Aux côtés de ces réactions favorables, les critiques ne manquent pas à l'égard des agissements français au Mali. D'abord, l'électorat de François Hollande même commence à s'impatienter devant l'enlisement du conflit. Car même après la reprise des villes qualifiées « stratégiques » du Mali, une partie non négligeable des troupes de l'Armée de terre reste sur le terrain aujourd'hui encore. Des légionnaires participent toujours aux opérations de fouille et de ratissage dans les montagnes du Nord-Mali. Mi-juin, l'État-major français décide de maintenir entre 3000 et 3500 soldats sur le terrain, en prévision des élections présidentielles prévues le 28 juillet 2013. L'opinion publique se rappelle pourtant les promesses du président, selon lesquelles l'Armée n'est pas vouée à rester longtemps au Mali. On comprend mieux pourquoi les Français approuvent de moins en moins l'intervention malienne dans les derniers sondages.

Une erreur stratégique ?

Les critiques les plus acerbes à l'égard de l'opération Serval tournent toutes autour de la question stratégique. Dès le début du conflit, des parlementaires et stratèges américains préviennent la France des possibles retombées de cette guerre sur l'ensemble du Sahel. Dans un pays fragilisé par les divisions tribales, politiques, économiques et religieuses comme le Mali, personne ne pouvait à l'origine du conflit prédire les répercussions d'une intervention extérieure sur l'équilibre politique et militaire régional. La réticence des États-Unis a été d'abord incomprise par leur allié français, du moins avant la prise d'otage d'In Amenas, en Algérie. Le 16 janvier 2013, soit cinq jours après l'engagement de la France, un commando se réclamant d'un groupuscule satellite d'AQMI, attaque le complexe gazier Tiguentourine et tient en otage 800 employés du site. Les assaillants parlent d'une revanche du mouvement islamiste du Sahel sur l'entrée en guerre de la France au Mali et exigent l'arrêt immédiat de l'opération Serval.

Cet incident, dont l'issue est quelque peu chaotique, montre toute l'étendue et la complexité de la donne politique, sociale, culturelle et militaire dans le Nord-Mali, une région étroitement liée sur tous les plans au reste du Sahel, depuis la Mauritanie jusqu'en Somalie. Il ne faut donc pas s'étonner si des analystes considèrent la guerre au Mali comme une erreur stratégique. L'opération encouragerait davantage la montée en puissance des islamistes radicaux dans cette partie du globe, dans la mesure où elle donne aux terroristes une raison supplémentaire – après la guerre en Libye — de combattre l'Occident impérialiste.

Certains observateurs considèrent déjà la région comme une sorte de mini-Afghanistan, à quelques nuances près. Ces analyses ne devraient pas être confirmées ou infirmées avant quelques années. Une chose est néanmoins sûre : l'intervention française au Mali et ses conséquences soulignent l'importance d'une politique militaire mieux pensée pour faire face à une guerre contre le terrorisme de plus en plus asymétrique et rapproché du continent européen.



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