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Boeing dans la tourmente




Publié par Solaine Legault le 20 Mars 2019

Suite à deux crashs meurtriers sur des avions Boeing 737 MAX en Indonésie en octobre dernier et en Éthiopie au début mars, la compagnie aéronautique américaine se trouve dans une bien mauvaise posture. Son nouvel avion phare est désormais interdit de vol dans le monde entier. Entre choix risqués et collusion avec l’administration américaine, l’impact sur le constructeur s’annonce grave.



Un avion forcé par Airbus

Les deux avions Boeing 737 et Airbus 320 sont des best-sellers et se concurrencent sur le même secteur de marché, le court et moyen courrier. C’est avec cet avion qu’Airbus avait réussi à battre Boeing pour la première fois dans son sanctuaire aux États-Unis, lorsque certaines compagnies américaines ont préféré le constructeur européen dans les années 90. Airbus a annoncé au début des années 2010 l’amélioration de son avion a succès par le modèle A320Neo, plus économique (moins 15 % de consommation). Boeing a dû réagir rapidement et a réussi a commercialiser au même moment sa réponse avec le 737 Max. Les premières livraisons des deux avions ont eu lieu en 2016. La firme américaine a finalement engrangé des contrats pour 4661 avions en janvier dernier.
 
Manque de fonds et délégation

Le 737 Max est déjà un énorme succès pour Boeing, mais la rapidité de la réponse américaine face à Airbus pose de nombreuses questions. Les nouveaux moteurs plus économes installés sur le 737 Max sont plus gros. Il a donc fallu les placer dans une position qui déséquilibre le reste de l’avion. Pour remédier à ce problème, Boeing a conçu un système, le MCAS (Maneuvering Characteristics Augmentation System). Il permet normalement d’éviter le décrochage de l’avion (perte de la portance) en le faisant piquer pour retrouver progressivement le support de l’air. Il repose sur des sondes qui calculent l’incidence (l’inclinaison) de l’appareil.
 
D’après les premiers rapports, ce sont ces éléments qui seraient probablement à l’origine des crashs. Les sondes enverraient des informations erronées au calculateur qui croyant que l’avion décroche le précipiterait vers le sol. Le système est nouveau sur un avion civil et les sondes ne sont pas redondantes sur le modèle le plus économique.
Après le crash d’un 737 de la Lion air en octobre dernier, la FAA (Federal aviation administration) a demandé à Boeing de compléter le livret de vol avec les instructions en cas de problème. Cette nouvelle information n’a pourtant pas été relayée à tous les pilotes de 737 Max. L’AFP a aussi su grâce a un témoignage anonyme, que les correctifs étaient prêt à la fin de 2018, mais que du fait du « shutdown » (la fermeture des administrations faute de budget voté) la certification n’a pu avoir lieu.

Depuis 10 ans le budget de la FAA stagne, ce qui l’a conduit à externaliser une partie de ses contrôles pour les nouveaux avions. Ainsi ce sont des inspecteurs de chez Boeing, qui se sont chargés des tests pour la certification du 737 Max ! Le constructeur étant dans la course avec Airbus a déclaré le nouvel avion comme étant un dérivé du modèle précédant ce qui lui a permis de ne pas tester l’avion en entier pour gagner du temps.
Si cette méthode a abouti à ne pas identifier le dysfonctionnement, cela pourrait remettre en cause le système mondial de certification aéronautique. Aujourd’hui les agences qui se considèrent fiables entre elles, acceptent les conclusions des autres, sans refaire les tests de certification.  
 
Quelles conséquences pour Boeing

Boeing et une grande partie de la filière aéronautique mondiale sont susceptibles de souffrir de cette situation. Avec un nombre impressionnant d’avions commandés — l’entreprise en construit 52 par mois — et ne voulant pas ralentir sa chaîne de production, elle poursuit son rythme d’assemblage. Si un correctif n’est pas trouvé rapidement, c’est-à-dire, dans les deux prochains mois, l’entreprise va se retrouver sans espace de stockage et avec un problème de liquidité, les avions étant payés au moment de la livraison. Le nombre de sous-traitants et donc de personnes impactées est considérable. L’impact se fera également sentir en France, de nombreuses entreprises nationales étant fournisseurs de Boeing comme Safran pour les moteurs, Thales, Saint-Gobain, Michelin et bien d’autres. Le 737 Max représente 80 % des commandes de Boeing et 40 % de ses profits !
 
Un autre problème que devra régler l'entreprise est relatif aux compensations pour les compagnies aériennes qui possèdent les 371, 737 Max déjà livrés. Ces compensations vont concerner l’impossibilité de faire voler leurs avions, mais très certainement également les appareils de substitution que les compagnies vont devoir louer alors que le trafic augmente au début de la période estivale.
Boeing peut aussi craindre que les compagnies aériennes annulent leurs commandes au profit d’Airbus, ce qui serait un véritable camouflet pour l’américain.
La justice américaine a commencé une enquête criminelle, un fait très rare aux États-Unis dans ce genre d’affaires. Les conséquences pourraient être désastreuses pour la firme qui a fêté ses 100 ans en 2016.
 


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