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Un périmètre pour l’entreprise : est-ce encore possible ?




Publié par La Rédaction le 30 Avril 2013

Depuis 2010 et en particulier depuis la dernière rentrée, le tissu industriel français reçoit choc sur choc : Petite-Couronne, Gemenos, Saint-Jean de Maurienne, Florange et bien sûr Aulnay sont devenus les cités emblématiques de la dislocation de ceux qui furent naguère encore des fleurons industriels français. Qu’il s’agisse de sidérurgie, d’activité pétrolière, d’agro-alimentaire ou d’automobile, aucun secteur d’activité ne semble dorénavant à l’abri. Les crises du passé nous ont habitués à raisonner en secteur d’activité : crise du textile, de la sidérurgie, crise financière asiatique, bulle internet, crise immobilière. Mais nous entrons de toute évidence dans un cycle protéiforme qui touche toutes les activités. Bien plus qu’une adaptation d’un secteur lié à tel ou tel processus de reconversion, c’est le périmètre même de toute entreprise qui semble mis en cause maintenant.



Un périmètre pour l’entreprise : est-ce encore possible ?
Pourtant, ces entreprises, grands groupes pour la plupart, n’en étaient pas à leur première mutation. Que dire d’un SANOFI qui s’est appelé depuis les 15 dernières années successivement Rhône-Poulenc, Hoechst, Aventis, Sanofi-Aventis puis Sanofi ? Aujourd’hui, c’est près de 1000 personnes dont le même SANOFI doit se défaire en France. Au-delà des effets d’annonces et des mentons que certains poussent en avant pour dire que ça ne se passera pas comme ça, les dirigeants concernés sont lucides sur ce qu’il va en coûter. Nul chef d’entreprise ne prend de telles décisions « à la légère » ou froidement, décisions ponctuées d’angoisses et de nuits blanches à répétitions. Ceux qui l’ont vécu le savent. Les dirigeants confrontés à de tels tourments en restent hantés longtemps après, même si ça ne se fait pas d’en parler.
 
Les traumatismes sont vastes : territoire blessés ou sinistrés, casse sociale des familles, sous-traitants abandonnés. Derrière les noms de ces groupes en souffrance comme ARCELOR MITTAL, PEUGEOT, ELECTROLUX, ou GOOD YEAR, il y a un drame rarement évoqué parce que plus sournois encore : c’est la gigantesque perte de compétences et de cœurs de métier qui en découle. Casser une organisation ne prend que quelques mois, parfois quelques semaines là où l’excellence a pris des années. Selon le cabinet Trendeo, ce sont plus de 900 usines qui ont fermé de la sorte en France ces trois dernières années. Combien de relations de cotraitance, de démarches qualité, de gains de productivité, en clair d’excellence industrielle brutalement dispersés ? Combien d’équipes qui donnaient le meilleur d’elles-mêmes, de regards échangés le matin entre patrons, cadres et employés pour relever les défis jusque là gagnés un par un et qui ont été tout d’un coup effacés ? Cette saignée ne sera jamais chiffrée pour un pays. Une telle perte de savoir-faire ne tient dans aucun outil statistique.
 
Bien sûr, les experts nous expliquent que ces entreprises manquaient de compétitivité, que les investissements n’ont pas été à la hauteur ces dernières années, que PEUGEOT n’a pas su prendre le virage de l’internationalisation des marchés et que PETROPLUS n’a pas anticipé la préférence des automobilistes pour le gazole. « Que voulez-vous, disent les Diafoirus du moment, le malade est mort car il avait trop de fièvre ».
 
Mais la fièvre n’est qu’une conséquence facile à dénoncer. Ces évolutions douloureuses sont-elles inéluctables et sans solution ? La résignation est mère de toutes les passivités. Sans tomber dans le piège aussi stérile qu’insupportable des donneurs de leçon a posteriori, peut-on chercher quelques pistes nouvelles et audacieuses où la survie des grandes organisations, voire leur déploiement, reste possible ? Peut-on encore espérer dans l’agilité des grandes organisations pour traverser une crise qui touche plus que les autres encore les modèles les plus éprouvés ? En définitive, existe-t-il encore une efficacité organisationnelle qui permette la confiance dans ces grandes structures ?
 
Car la confiance est la clé dans la maîtrise des risques. C’est elle qui libère la créativité des hommes et donne la solidité aux relations qui font vivre un environnement professionnel. Quelques entreprises, ces dernières années, ont tenté de susciter cette dynamique de la créativité et d’en relever le défi. Le plus souvent, nous avons la conviction que seules des PME centrées sur un ou quelques métiers, réactives, adaptables, imaginatives ont su se frayer un chemin. Il est plus étonnant de retrouver ces réflexes cultivés au plus haut niveau de structures qui comptent plusieurs milliers de collaborateurs chargés de mettre en œuvre chaque jour des dizaines de métiers à fort contenu technologique.
 
Le cas de COFELY INEO est intéressant à plus d’un titre. Malgré un contexte industriel dégradé depuis 2009, l’entreprise spécialisée dans le génie électrique et les systèmes d’information a su garder une vitalité inattendue. Ses succès commerciaux sont très révélateurs de sa posture actuelle sur l’ensemble de ses marchés. Comme le souligne son PDG, Guy Lacroix, « notre première force est d’oser aller de l’avant et de nous en donner les moyens, c’est-à-dire de nous comporter en entrepreneurs curieux, créatifs, passionnés, résolument tournés vers le futur, mais toujours rigoureux sur les fondamentaux de nos métiers et sur la discipline que cela exige ».
 
Loin des recettes toutes faites, c’est bien par sa capacité d’agir à la fois sur le périmètre de ses marchés, de son organisation et de ses partenariats qu’INEO surprend et attire. Thomas Peaucelle, son directeur de la stratégie, nous en donne quelques articulations. Tout d’abord, la culture de l’entrepreneuriat est déclinée à tous les niveaux de l’entreprise : « chaque responsable est porteur tant de l’engagement de son entité que de l’ensemble d’Ineo ». « Chacune des entités apporte sa pierre et a vocation à enrichir les offres des autres entités ». Ensuite, c’est la capacité de l’entreprise à « réunir des technologies et des moyens de déploiement qui lui permettent d’aborder des contrats complexes en offrant des systèmes et non plus uniquement des installations. » Thomas Peaucelle conclue en soulignant que « la transformation de nos métiers s’accompagne de nouveaux modes de contractualisation : contrats de partenariats, externalisations, conception-construction sont autant de modèles qui conduisent l’entreprise à ne plus réaliser un ouvrage tel que défini, mais à l’optimiser dans le cadre d’une approche par l’usage ».
 
Certes, des telles démarches ne sont pas directement transposables chez PETROPLUS ou PSA, mais ayons le courage de poser les vrais diagnostics non seulement chez les malades mais surtout auprès des organismes qui résistent et prospèrent malgré la crise. Comme le rappelle encore Guy Lacroix, « notre stratégie met en jeu plusieurs aspects liés à nos capacités d’innovation, mais aussi à nos capacités d’ouverture avec nos clients certes, et aussi avec des partenaires dans le monde de la recherche ou des start-up innovantes ». C’est grâce à ce décloisonnement paradoxal, aussi bien interne qu’externe, que l'entreprise a bâti le socle de son adaptabilité. Combien peuvent aujourd'hui en dire autant ?



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