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RSE et risques de réputation, les liaisons dangereuses




Publié par Alexandre Perrault le 26 Août 2016

L’activité économique et l’esprit entrepreneurial découlent le plus souvent d’un calcul risques contre opportunités. Au sein de ce calcul, la RSE, autrefois vue comme un diviseur de profits, est devenue un facteur de pondération de la réputation et un puissant multiplicateur de performance. Une raison à cela, la RSE a construit sa justification économique sur une externalité positive : la construction de l’image de marque. Mais limiter la RSE à cela revient à tomber dans les travers de l’ethical-washing.



La RSE, une menace pour les entreprises ?
 
La RSE, comme toute règlementation pesant sur les entreprises a d’abord été perçu comme un frein à la performance. Bien que cette vision ait très largement évoluée, il reste un fait indiscutable : la RSE a un coût. En contrepartie de ce coût, la RSE est génératrice d’externalités positives. L’article 225 de la loi Grenelle 2 est ainsi venu renforcer les obligations de transparence dans le reporting des entreprises. Cette obligation de transparence donne satisfaction aux investisseurs et rassure les consommateurs : c’est un levier supplémentaire de légitimité qui participe à la construction de « l’image de marque ». Ce qui est valable pour la transparence l’est aussi pour le développement durable, l’éthique, le respect des droits des personnes…  Le raisonnement est généralisable à tous les sous-domaines de la RSE. Mais avant d’interroger les rapports entre maitrise du risque de réputation et RSE, il convient de rappeler que la RSE n’a pas été d’emblée perçue comme un bénéfice net, bien au contraire.
 
Comme tout concept nouvellement théorisé, bien que reposant sur des principes connus depuis le 19ème siècle, la RSE a su très vite s’attirer d’indéfectibles défenseurs et de virulents détracteurs. Selon une étude (1) Ernest & Young de 2010, dans laquelle le thème de RSE figure pour la première fois, cette dernière apparait en 9ème position dans le top 10…des risques pour l’entreprise, selon un échantillon de 70 dirigeants d’entreprises représentatifs de 14 secteurs industriels. Aux côtés des risques sociaux, industriels, environnementaux ou économiques, la RSE est alors perçue comme un risque règlementaire, une menace pesant sur l’entreprise, non pour elle-même mais en cas de non-observance de ses principes. Ce que craignent alors les entreprises, ce sont à la fois les conséquences juridiques et éventuellement les amendes, mais surtout l’effet de tels manquements sur l’image de marque. Les prix Pinocchio (2) viennent d’ailleurs chaque année « récompenser » les entreprises qui ont pris quelques libertés avec la RSE. Nominés en 2010 pour son projet de barrage en Amazonie, GDF Suez a ainsi modifié sa perception des questions RSE. Selon Françoise Guichard, directrice développement durable, GDF Suez a depuis considérablement renforcé la prise en compte (3) des risques réputationnels autour de l’acceptabilité des projets de cet ordre.
 
Des opportunités à saisir
 
Une crise financière majeure plus tard, en 2013, la même étude (4) fait apparaitre cette fois la RSE au 8ème rang des opportunités à saisir pour l’entreprise. Les entreprises interrogées souhaitent désormais développer des relations durables avec l’ensemble de leurs parties prenantes. Cela signifie donc prendre en compte les questions sociales et environnementales et prendre ses distances avec une financiarisation de l’économie qui a montré ses limites.
 
De risques, la RSE est ainsi passée en quelques années à une opportunité de maitrise des risques sociaux et environnementaux pour les entreprises. Exigences des investisseurs, motivation des salariés, fidélisation de la clientèle ou encore construction du capital de marque, la RSE a trouvé son sens économique et sa justification financière. « la RSE est un réel facteur de succès. Les bénéfices sont nombreux et palpables : compétitivité, optimisation des coûts, fidélisation des parties prenantes, valorisation de l’image de l’entreprise, augmentation des performances commerciales et financières, accès à des marchés jusque-là fermés… », explique (5) Nathalie Labate, dirigeante et fondatrice d’Izypeo, une société spécialisée dans les logiciels d’optimisation des performances sociales et environnementales des entreprises.
 
La RSE en maitrise des risques d’image et de réputation…
 
En des temps de lobbying intensif contre les surcharges réglementaires, la RSE doit avoir finalement de sérieux arguments à faire valoir pour que les entreprises s’en emparent avec autant d’empressement. Pour Dominique Pageaud, associé chez Ernst & Young, « dans le contexte de crise, les problématiques de gestion de l’image se sont aiguisées et les entreprises, observées de près par l’opinion publique, sont d’autant plus attentives aux risques sociaux et environnementaux qu’elles sont conscientes que garder (ou regagner) la confiance du public est désormais vital ». La RSE est vue en premier lieu comme un moyen de prévention en termes de réputation, à condition toutefois que le démarche soit sincère et se traduise par des actes. « Une explication de la RSE possible et peu explorée, ayant trait à la question de l’image, viendrait alors de ce qu’elle permet de préserver la valeur de la firme […] » expliquent Jean-Marie Cardebat et Patrick Cassagnard, tous deux professeurs à l’université de Bordeaux IV, dans un ouvrage intitulé « La RSE comme couverture du risque de réputation ».
 
…Mais pas seulement
 
Cantonner la RSE à ce rôle de prévention, ou à un artifice de régulation de l’image de marque serait la limiter à une fonction d’outil dans une démarche purement défensive. Un choix désormais regrettable, d’autant que le travail sur la seule réputation reviendrait à faire de l’ethical-washing. La RSE n’est pas un outil de communication, c’est un mode de réflexion sur la place qu’une entreprise doit occuper au sein de la société, et sur ce qu’elle peut lui apporter au-delà de la seule transaction économique. La RSE n’est pas la moralisation de l’économie ou un nouveau débouché du mécénat. Elle ne doit pas être perçue comme une contrainte de plus pesant sur l’activité. Parce qu’elle est synonyme de prise de conscience de tout ce qui fait la chaine de valeur, la RSE est non seulement facteur de prévention, mais aussi source d’opportunités pour produire mieux et donc se différencier sur un critère de qualité global.
 
« La RSE ouvre des voies dans de nombreux secteurs pour inventer de nouvelles approches en matière d'éco-conception des produits, de prévention des risques, de prises en compte de la précarité sociale, ou de réponses aux besoins de populations peu solvables. Autrement dit : c'est un bon levier pour engager la transition écologique et sociale » pour l'ADD (6) (association professionnelle des conseils en développement durable et RSE). Au-delà de ses impacts économiques et de son rôle initial en maitrise des risques, la RSE pourrait s’avérer aussi un instrument politique de redressement économique.
 




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