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Pourquoi les billets de banque ont toujours la cote

Eléments de réponse, avec Oberthur Fiduciaire




Publié par La Rédaction le 1 Juillet 2016

On le croyait dépassé par le paiement dématérialisé. Mais le billet de banque fait toujours la une de l’actualité, comme aux Etats-Unis, où un nouveau billet de 20 $ (*) a été lancé en grande pompe. C’est que le billet continue d’incarner les valeurs de tout un peuple et s’inscrit comme une pièce d’art incontournable dans le patrimoine des pays. Décryptage de ce phénomène avec Thomas Savare, dirigeant d’Oberthur Fiduciaire, l’un des leaders des fabricants de billets de banque.



Un engouement national

En juin 2015, le Trésor américain annonçait son intention de renouveler certains billets et de mettre à l’honneur des femmes illustres sur la monnaie nationale. L'administration lançait alors une immense enquête d'opinion pour savoir quelle femme devrait être choisie. "Nous avons reçu des millions de réponses", a confié Jack Lew, l'actuel secrétaire au Trésor, qui s’est étonné de l’engouement des Américains pour cette initiative. Si les noms bien connus d’Eleanor Roosevelt et de Rosa Parks ont un temps circulé, c’est finalement Harriet Tubman, figure emblématique abolitionniste et militante du droit de vote des femmes qui s’imposait sur les billets de 20 dollars. Elle remplace ainsi Andrew Jackson, qui a contribué à la déportation de milliers d'Amérindiens au XIXème siècle et qui est devenu au fil du temps très impopulaire auprès des Américains.

Cet évènement a pris une dimension toute particulière, lorsqu’ Hillary Clinton, candidate à l’élection présidentielle américaine, s’est emparée du sujet et a salué avec emphase cette décision. Preuve que le billet de banque n’est pas un simple objet du quotidien, mais bel et bien un des attributs du pouvoir. Il incarne en effet la souveraineté d’un Etat : « les billets de banque (…) doivent contribuer au rayonnement des institutions et du pays tout entier », explique Thomas Savare, à la tête de l’un des fleurons industriels français, l’imprimerie dite « de haute sécurité » Oberthur Fiduciaire. Et si Hillary Clinton se réjouit de l’apparition d’Harriet Tubman sur les billets, c’est (aussi) qu’elle y voit une formidable vitrine politique : le nouveau billet cristallise des valeurs chères à la candidate, telles que le féminisme et l’égalité des droits. Des valeurs qui semblent également partagées par une partie des Américains, qui se sont montrés favorables à l’entrée d’Harriet Tubman, dans le « Panthéon » des icônes américaines.

La symbolique des valeurs

« [Le billet] est aussi un instrument de cohésion d’une nation», ajoute Thomas Savare qui livre ainsi son expertise de dirigeant d’une entreprise travaillant pour le compte de quelques 70 banques centrales à travers le monde. Il confie alors quelques secrets de fabrication sur un processus assez méconnu, et qui est bien plus complexe qu’il n’en a l’air. En effet, Oberthur Fiduciaire, insiste sur un point : la fabrication d’un billet de banque comporte une forte dimension symbolique. Le billet de banque « doit refléter une histoire, une culture, un socle de valeurs communes, et des symboles de fierté nationale tels que d’illustres personnages ou des monuments qui font sens dans l’esprit des citoyens. (…) Un billet de banque est un élément constitutif de l’identité d’une nation », commente l’expert.

Ces éléments permettent alors de mieux comprendre la forte mobilisation des Américains mais également celle des Canadiens, des Anglais ou des Ecossais: les pays ont eux aussi lancé une large enquête populaire afin de déterminer qui incarnera les nouveaux visages de la nation. Une pétition a même été lancée afin d’imposer David Bowie sur les billets de 20£ et rendre ainsi hommage au chanteur décédé, très populaire au Royaume-Uni. Preuve que les citoyens considèrent toujours le billet, non seulement pour sa valeur monétaire, mais également symbolique. Aux fabricants donc d’user de leurs talents d’artistes pour rendre ces valeurs bien « vivantes ».

L’art du billet de banque

« La symbolique véhiculée par un billet de banque est importante aux yeux de nos clients. (…) Si bien que l’esthétique et le design sont également pour nous des questions essentielles », confirme Thomas Savare dont l’entreprise a su tirer son épingle du jeu grâce à son approche « sur mesure ». Car le billet se veut également conçu comme un objet d’art et intégré au patrimoine d’un pays.

On se rappelle à ce sujet les concours de design organisé par la Norvège afin de proposer la future identité artistique de ses billets et donc, par extension, du pays tout entier. Cette initiative s’inscrit dans une tradition ancrée depuis bien longtemps : les banques centrales ont toujours mis leur démarche esthétique au cœur de la conception du billet et travaillé avec les plus grands artistes. En France, le peintre François Fleming, est connu pour son fameux « billet Fleming », que s’arrachent, encore aujourd’hui, les « billetophiles » du monde entier.

Le nouveau billet de 20£ connaitra-t-il ce destin ? En tout cas, la Banque d’Angleterre a mis toutes les chances de son côté pour concevoir un billet d’art : c’est le magistral peintre Turner qui sera à l’honneur, laissant Bowie encore un peu patienter. Nul doute que le fabricant de ces futurs billets a été choisi par l’Angleterre pour ses talents artistique, afin de rendre compte au mieux des subtilités de l’œuvre de l’un des plus grands peintres de tous les temps. Thomas Savare confirme : l’impression fiduciaire est « un métier qui demande un sens de l’esthétique très poussé». Pour sa part, Oberthur Fiduciaire mise sur son héritage : déjà Joseph Oberthur, le petit-fils du fondateur de l’imprimerie François-Charles Oberthur, était un dessinateur reconnu. Un sens de l’esthétisme visiblement ancré dans le patrimoine génétique de la famille Oberthur, puisque l’imprimerie artisanale s’est illustrée à ses débuts au XIXème siècle, avec l’édition du Répertoire des couleurs pour aider à la détermination des couleurs des fleurs des feuillages et des fruits. Aujourd’hui, les techniques d’impression ont évolué mais l’entreprise a su rester fidèle à ce savoir-faire. Thomas Savare se fait le porte-parole d’un concept bien singulier, celui d’artisanat high tech. Il synthétise bien les défis auxquels sont confrontés les fabricants comme Oberthur Fiduciaire : concilier qualité esthétique, matérielle et procédés anti-contrefaçon.

Car les billets sont renouvelés aussi bien dans une perspective artistique que sécuritaire. Thomas Savare confie d’ailleurs que cette course contre les faussaires est un véritable booster de créativité : aux fabricants d’élaborer des dessins toujours plus complexes et d’inventer des systèmes anti-contrefaçon, tels que Securicoat, un vernis de protection qui rend le billet inviolable mis au point par Oberthur Fiduciaire. Difficile d’en savoir plus sur ces techniques, confidentialité oblige. D’autant que ces mécanismes hautement perfectionnés s’intègrent harmonieusement au billet et sont le plus souvent imperceptibles à l’œil nu et donc peu connus des citoyens. Et c’est peut-être tant mieux. Le billet n’a pas besoin de livrer tous ses secrets. Car pour durer, ne doit-il pas continuer de faire rêver ?

(*) http://www.jeuneafrique.com/mag/320557/societe/etats-unis-billet-vert-icones-noires/




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