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Le (très cher) F-22 enfin déployé au combat [actualisé]




Publié par Romain Lambert le 3 Octobre 2014

Il fut un temps où les Etats-Unis refusaient même de le laisser se donner en spectacle, dans les grands meetings aériens internationaux. Mais cette époque semble révolue, et le plus cher des avions de combat, seul véritable chasseur de cinquième génération, participe désormais aux frappes aériennes en Syrie et en Irak. L’occasion de revenir sur le coût d’un programme, qui, sans atteindre les délires budgétaires du F-35, a donné bien des sueurs froides au budget de la Défense américaine.



(U.S. Air Force photoMaster Sgt. Kevin J. Gruenwald)
(U.S. Air Force photoMaster Sgt. Kevin J. Gruenwald)
[Actualisé]
Alors qu'il ne disposait jusque là d'aucun aéronefs, l'EEIL se serait emparé de plusieurs avions de chasse de l'armée régulière syrienne en capturant a priori la base aérienne d'Al-Djarrah. Selon les images tournées par l'état islamiste, il s'agirait de deux L-39 Albatros (et non de Mig-21, apparemment HS, ou de Mig-23 qui n'apparaissent à aucun moment sur la vidéo), connus pour participer de longue date aux bombardements contre la rébellion syrienne. Bien que l'état islamiste annonce disposer de pilotes, rien ne garantit que les avions soient en état de prendre l'air. Et même si c'est le cas, on peut supposer qu'ils ne resteront vraisemblablement en vol que le temps d'alerter la chasse de la coalition, pour autant que la base en question ne soit pas rasée d'ici là...
[Actualisé]

Premiers ronds dans le ciel


Entré en service en 2007, le F-22 Raptor, fabriqué par Lockheed Martin, est à l’heure actuelle le seul véritable chasseur de cinquième génération : hypermanoeuvrant (grâce à sa poussé vectorielle et son instabilité naturelle), capable de supercroisière (vol à vitesse supersonique sans recours à la postcombustion), furtif (traitement des formes et des surfaces, placement de l’armement en soute, réduction de la signature thermique) et doté de systèmes de liaison de données et d’un radar AESA lui permettant le combat réseau-centré. Compte tenu de ces caractéristiques, le F-22 est sans aucun doute le meilleur chasseur actuellement en service, même si, lors d’exercices interalliés, il s’est fait chahuté par des Rafales français. Les officiels américains iront jusqu’à prétendre, avec une certaine mauvaise foi, que le F-22 volait en conditions dégradées avec ses réservoirs auxiliaires, et qu’il n’est pas conçu pour le dog fight… Il est vrai par contre que le F-22 est soupçonné de ne pas donner la pleine mesure de ses capacités lors de ces échanges amicaux, connus aussi pour être le lieu « d’observations appuyées » des matériels de nos alliés d’aujourd’hui.

Bien que conçu comme un outil de suprématie aérienne à longue distance, le F-22 n’en est pas moins apte au bombardement, même s’il n’est pas encore capable de désigner lui-même les cibles (pour l'instant il n’a pas été observé équipé d’un pod de désignation, contrairement au F-35). C’est à cette fin que le 1st Fighter Wing, composé des 27th Fighter Squadron et 94th Fighter Squadron sur F-22A Raptor, a été déployé en Syrie, pour la première fois dans la nuit du 23 au 24 septembre 2014. La menace sol-air au-dessus de l’Irak et de la Syrie ne justifiait pas à lui seul l’emploi du F-22, puisqu’en dehors des mini-drones leur servant à tourner leur vidéo de propagande, l’ISIS n’a a priori aucun moyen aérien. De l’aveu des Américains eux-mêmes, les défenses anti-aériennes de la Syrie sont en restées en mode passif durant les opérations. De toute façon, rien ne permet de croire que le régime syrien va faire quoi que ce soit pour s’opposer à la neutralisation d’un ennemi commun. Il avait été question de déployer le F-22 en Lybie en 2011, mais devant l’impossibilité de le rendre interopérable avec les autres avions de l’OTAN (pas de passerelle entre sa liaison MADL et la liaison 16 de l’OTAN sauf à recourir à un Global Hawk RQ-4 avec BACN en relais…), l’USAF y aurait renoncé. Derrière ce timide et discret premier déploiement au combat apparaît aussi la volonté de couper court aux critiques contre un outil coûteux et jusque-là inutilisé.

Le chasseur le plus cher de l’histoire, pour certainement longtemps

Le coût du F-22 a été longtemps sujet à polémiques, d’autant plus vives que les montants différent du simple au quadruple selon ce que l’on intègre ou non à la facture. Certes, le programme du F-22 n’a pas dépassé les 400 milliards de dollars comme celui du F-35, mais ce dernier porte sur l’achat de plus de 2000 appareils pour la seule armée américaine, Air Force et Marines Corps. Seuls 195 F-22 seront finalement produits en 14 ans, pour 187 en service actif à l’usage exclusif des Etats-Unis (et 8 prototypes ayant servi aux essais). 650 étaient planifiés lors du lancement du programme en 1991, mais l’actionnaire majoritaire du budget américain de la Défense, à savoir le contribuable, a réclamé ses dividendes de la paix. La production aurait pu être supérieure si l’avion avait trouvé preneur à l’étranger. Malgré son prix, le Japon aurait fait part de son intérêt pour l’avion, mais les Etats-Unis se sont interdit toute exportation de ce concentré de technologies, même à un allié si proche. Le Japon est peut-être un peu trop connu pour son talent pour le « reverse engineering » des technologies que l’Occident lui vend.

Jusqu’ici le programme du F-22 aura coûté 53 milliards d’euros, R&D incluse. Une division assez simple donne donc un coût de 283 millions d’euros par appareil. Sans compter la R&D, en considérant donc un coût de production uniquement, le F-22 « sorti d’usine » revient à 108 millions d’euros, soit à peine plus que les 87 millions d’euros du F-35, conçu à la base pour être un chasseur « bon marché ». SI on ajoute les coûts d’entretien, de pièces détachées, de munitions, sur une durée de vie opérationnelle de 40 ans, l’équivalent américain de la Cour des Comptes estime qu’il faudra encore ajouter à ces montants près de 47 milliards d’euros. Au final, le coût unitaire du F-22 « all-inclusive » serait d’environ 537 millions d’euros (à comparer aux 371 millions du F-35, pour autant que la situation n’empire pas).



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