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L’EDA-R / L-CAT : la France se place sur le marché de l’amphibie




Publié par La Rédaction le 27 Janvier 2013

Même si le sujet a refait une brève apparition sur le devant de la scène lors de l’opération Harmattan en Libye, l’Afghanistan comme le Mali occultent totalement une problématique centrale dans les opérations de projection de forces : la manœuvre amphibie. Le Mali comme l’Afghanistan ont naturellement attiré l’attention sur les besoins criants de l’armée française en termes de transports stratégiques. Dans le domaine amphibie, la France est nettement mieux lotie.



Un EDA-R / L-CAT entrant en radier (crédit US Navy)
Un EDA-R / L-CAT entrant en radier (crédit US Navy)

Les Bâtiments de Projection et de Commandement ont déjà réussi à séduire la marine russe, avec deux unités commandées (et deux autres en option, même si cette hypothèse semble s’éloigner). Ces bâtiments, bien que faiblement armés, ont déjà fait à plusieurs occasions les preuves de leurs capacités, dues à l’originalité de la conception selon des normes civiles, mais aussi à la polyvalence d’emploi des surfaces de travail. Mais dans le cadre d’une manœuvre amphibie dans un contexte hostile, le bâtiment porteur n’est qu’un maillon de la chaine de la ship-to-shore-maneuver. La batellerie, c'est-à-dire les unités qui vont faire la liaison entre le bâtiment et la côte, est l’autre maillon crucial de ces opérations.
 
Dans ce domaine particulier, à l’exception notable des LCAC sur lesquels nous reviendrons après, la plupart des designs de coques, même modernisés, remonte aux années 1940. C’était le cas en France avec les EDIC (Engins de débarquement pour Infanterie et Chars) ou des CTM (Chalands de Transport de Matériels), jusqu’à l’arrivée du L-Cat (pour Landing Catamaran) réalisé par CNIM, et baptisé ensuite Engin de Débarquement Amphibie Rapide (EDA-R) par la DGA à réception des quatre unités commandées. La marine nationale maintient pour l’instant son option pour quatre unités supplémentaires, pour équiper les 2 TCD et les 2 BPC de chacun 2 unités. Mais compte tenu du contexte budgétaire actuel, cette option est tout sauf garantie. L’EDA-R concentre un certain nombre d’innovations, qui en font l’un des outils les plus aboutis du domaine amphibie. Il permet l’emport de 80 tonnes de charge utile (matériels, véhicules et personnels) à 18 nœuds, pour une vitesse à vide de 25 nœuds, soit deux fois plus vite que les matériels des générations précédentes. Son autonomie de 1000 milles nautiques lui permet de faire la navette sans avoir besoin d’être ravitaillé pendant toute la manœuvre, mais aussi de naviguer seul sur de longues distances, compte tenu de son excellente tenue à la mer. Cette autonomie permet des usages civils, comme l’acheminement de matériels d’urgence dans des zones uniquement accessibles par la mer par exemple.
 
Long de 30 mètres et large de 12, il est de conception Ro/Ro (Roll-on/Roll-off) permettant des opérations d'embarquement/débarquement simplifiées. L’originalité de son concept tient à sa plateforme de chargement mobile : elle s’élève pendant la traversé, permettant à l’EDA-R de naviguer comme un catamaran, et elle s’abaisse lors du beaching, pour pouvoir disposer d’un fond plat et d’un faible tirant d’eau (60 cm en charge). De manière exceptionnelle, la charge utile peut dépasser les 110 tonnes (certaines sources mentionnent même 130 tonnes) ce qui permet par exemple le débarquement de deux Leclerc. Une seule rotation de deux EDA-R permettrait donc le débarquement d’un peloton complet à partir d’un BPC. Une opération majeure, impliquant l’ensemble de la flotte amphibie, permettrait en théorie (avec 8 EDA-R) de beacher un escadron complet de Leclerc en une seule rotation.
 
Les principaux concurrents de l’EDA-R sont les engins de type LCAC (Landing Craft Air Cushion), qui ont pour eux l’avantage d’une vitesse de croisière supérieure, pour une charge utile similaire. Mais cette vitesse ne signifie pas pour autant un gain de temps, car il faut mettre en place des saisines sur tout le matériel, pour pouvoir naviguer à 60 nœuds sur un LCAC américain. Cela ralentit considérablement les phases de chargement et de déchargement. En plus d’un pilotage d’une grande complexité (comparable à celui d’un hélicoptère selon les pilotes) les LCAC sont coûteux à l’achat et à l’entretien (au moins deux fois plus qu’un EDA-R) ; ils sont de plus fragiles, inaptes à naviguer sur des mers formées (au delà de force 4) et disposent d’une autonomie nettement moindre (entre 300 et 400 mn maximum).
 
Les américains disposent encore d’environ 70 LCAC principalement chez les Marines. Dans la doctrine amphibie américaine, le LCAC est utilisé en deuxième vague compte tenu de sa fragilité. Il est utilisé après l’envoi des AAV7 (transports de troupes amphibies équipés de mitrailleuses lourdes ou de LG de 40 mm) pour nettoyer la plage. Après l’abandon du trop coûteux et trop complexe programme Expeditionary Fighting Vehicle, devant remplacer les AAV7, il est surprenant de constater que les Américains envisagent à nouveau de se doter d'une batellerie de type LCAC : le Ship-to-Shore Connector (SSC) de Textron Systems, dont le design et les caractéristiques sont très proches des LCAC première mouture. Il se caractérisera surtout par un pilotage, une utilisation opérationnelle et une maintenance simplifiés. Les SSC utiliseront notamment les même moteurs que l’OV-22 Osprey. En attendant le SSC, les LCAC sont portés progressivement au standard SLEP, incluant un allongement de la durée de vie (de 20 à 30 ans) et une modernisation des moteurs et de l’électronique embarquée.
 
De leur côté les Anglais ont testé récemment le PACSCAT (Partial Air Cushion Supported CATamaran) de QinetiQ, qui combine le design d’un catamaran et d’un LCAC, mais sans se décider pour l’instant sur l’achat ou non de ce type de matériel. Plus rapide que l’EDA-R, il emporte une charge utile inférieure, de l’ordre de 55 tonnes, pour des dimensions proches (30 m par 8 m).
 
Les Russes comme les Chinois sont utilisateurs du Zubr, le plus imposant aéroglisseur jamais construit. Mais compte tenu de sa taille, c'est un bâtiment autonome. Les Chinois ont construit une version à échelle réduite du Zubr, le Type 722 Jinsha II. Plus récemment ils ont développé une copie du LCAC américain, le type 726 Yuyi. Ses caractéristiques sont similaires à celle du LCAC américain, avec toutefois une charge utile plus faible.
 


Principaux LCAC en service ou à l'étude
Principaux LCAC en service ou à l'étude



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